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rallier les esprits ? La commission était-elle mieux fixée dans ses desseins ? Avait-elle une idée précise de ce qu’on lui demandait ? On avait voulu éviter une crise aiguë et soudaine, on avait réussi jusqu’à un certain point ; pour le reste, on s’engageait ensemble dans une voie assez indéfinie, où chacun portait ses vues, ses calculs, ses préférences, ses arrière-pensées.

On a perdu ainsi bien du temps à se reconnaître, à chercher ce qu’on voulait ou ce qu’on pouvait faire, à tourner autour de toutes ces questions, le droit constituant, la responsabilité ministérielle, les rapports de M. Thiers avec l’assemblée, la seconde chambre, la réforme électorale, le régime définitif ou le régime provisoire. Ces trois mois qui viennent de s’écouler, on les a passés dans ce labeur ingrat, opposant des combinaisons à des combinaisons, poursuivant d’incessantes transactions, se demandant chaque matin si on s’entendait ou si on ne s’entendait pas, si on allait à la guerre ou à la paix des pouvoirs publics, et jusqu’au dernier moment la vie de cette commission des trente aura été une succession de curieuses péripéties. La veille encore effectivement, tout semblait perdu, on ne s’entendait pas le moins du monde. Un projet de M. Dufaure portant que l’assemblée devrait s’occuper « à bref délai » d’un certain nombre de questions, parmi lesquelles se trouvait l’organisation des pouvoirs publics dans l’interrègne entre l’assemblée actuelle et ce qui lui succéderait, ce projet avait été solennellement repoussé par la commission. Le conflit allait éclater lorsque bien heureusement tout changeait encore une fois du soir au matin. On avait trouvé une rédaction bénigne et calmante qui ne parlait plus ni de « bref délai » ni d’interrègne, qui se bornait à dire que l’assemblée ne se séparerait pas sans avoir statué sur la seconde chambre, sur la loi électorale, sur « l’organisation et le mode de transmission des pouvoirs législatif et exécutif. » Il y a mieux, c’est au pouvoir exécutif lui-même qu’on laisse maintenant l’initiative des lois qui devront être présentées sur toutes ces questions. Un membre du centre gauche qui compte parmi les trente, M. Ricard, a proposé cet amendement, dont il s’exagère peut-être un peu l’importance ; la majorité n’a point hésité à se l’approprier, et c’est ainsi qu’à la dernière heure commission et gouvernement se sont retrouvés d’accord pour se présenter devant l’assemblée avec une œuvre laborieusement combinée, conquise au prix de bien des négociations, définitivement acceptée de part et d’autre comme un symbole de concorde et de paix.

Au fond, que dit-elle, cette œuvre de trois mois d’efforts, de discussions et de pourparlers ? Elle se résume en ces trois choses : un préambule qui réserve et affirme une fois de plus le droit constituant de l’assemblée, c’est-à-dire un droit que personne ne conteste, qui n’a d’autre limite que les circonstances et la puissance morale de l’assemblée elle-