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trente, en se rencontrant dans la plupart des votes et dans le scrutin définitif avec les royalistes de l’extrême droite ? Que les radicaux contestent à l’assemblée le droit constituant, on le comprend encore ; mais ce qu’il y a de singulier, c’est qu’ils n’admettent pas même ce programme d’institutions organiques qui est une partie de la loi nouvelle, c’est qu’ils semblent considérer l’idée de revoir la loi électorale, de créer une seconde chambre, comme une sorte d’attentat à la république, dont ils sont naturellement les seuls interprètes jurés. En quoi donc une réforme de la loi électorale conçue de façon à garantir la sincérité et l’honnêteté du vote en respectant le suffrage universel est-elle incompatible avec la république ? En quoi le régime républicain exclut-il forcément l’institution d’une seconde chambre ? M. Gambetta, qui commence à parler un français assez baroque dans ses discours, assure qu’une seconde chambre ne cadre pas avec la république, M. Louis Blanc l’a répété ; mais ni l’un ni l’autre n’ont prouvé absolument rien. Une seule chose reste vraie, il y a dans le monde deux républiques sérieuses, les États-Unis et la Suisse, et en Suisse comme aux États-Unis il y a deux chambres.

Quand on réfléchit un peu, une seconde chambre, institution de résistance, de contrôle ou de pondération, comme on voudra l’appeler, est un des ressorts essentiels de tout régime régulier, république ou monarchie, de même qu’une loi électorale assurant la sincérité du suffrage populaire est une nécessité de toutes les organisations politiques qui aspirent à durer. Voilà pourquoi la commission et le gouvernement, sans mettre en question le régime définitif de la France, ont pu proposer ces grands objets d’étude, ces réformes ou ces créations nécessaires qui dans toutes les circonstances et dans toutes les conditions peuvent être une garantie ou une force. Les partis extrêmes, en combattant jusqu’au bout la loi nouvelle, ont achevé de lui donner le caractère politique qui lui manquait peut-être à l’origine, ou qui disparaissait sous des minuties d’étiquette parlementaire. Assurément c’est une coalition édifiante et instructive que celle qui peut réunir dans un même vote M. de Belcastel et M. Naquet, M. le duc de La Rochefoucauld et M. Ordinaire, les confidens de M. le comte de Chambord, les compagnons de M. Gambetta et les survivans de l’empire. La loi des trente n’y perd pas, elle y gagne au contraire de mieux apparaître comme une œuvre acceptée par tous les esprits sensés et modérés de la monarchie constitutionnelle et de la république. Ce n’est pas une majorité invariable sans doute, c’est du moins le large et solide point d’appui d’une politique qui peut se consacrer désormais à préparer la libération du territoire d’abord, à garantir ensuite la sécurité et la paix intérieure de la France.

La saison parlementaire est ouverte à peu près dans tous les pays. Elle s’est inaugurée assez vivement en Angleterre ; elle est ouverte en Alle-