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l’ajournement de décisions urgentes ! Malgré la modération naturelle de son caractère et de sa politique, le tempérament du duc de Wellington, habitué à l’autorité incontestée du commandement militaire, était peu propre à un pareil régime. Animé par le plus pur dévoûment à son pays et à son souverain, il manquait dans les relations journalières de souplesse, d’entregent, et surtout de cette qualité primordiale d’un premier ministre au dire de M. Pitt, la patience.

La querelle définitive éclata sur un vote donné dans le parlement à l’occasion de la question bien secondaire d’un bourg supprimé et d’une démission offerte en conséquence par M. Huskisson avec plus de précipitation que de parti-pris. Lord Palmerston fournit à l’histoire sur cette crise les plus précieux détails, d’où il résulte, contrairement à l’opinion reçue, que la séparation finale fut l’œuvre du duc de Wellington et de sir Robert Peel plus que des sectateurs de M. Canning. Dans tous les cas, elle fut irrévocable, et détermina éventuellement pour le parti tory la perte de la prépondérance parlementaire qu’il avait si longtemps exercée. Le groupe qui se séparait ainsi de lui ne comprenait pas plus d’une dizaine de pairs et une trentaine de membres de la chambre des communes ; mais leur influence personnelle était considérable, et ils représentaient alors la volonté croissante de la nation d’imprimer une direction nouvelle à sa politique au dedans comme au dehors. Rendus à leur entière liberté, ils gravitèrent naturellement vers les whigs, et après l’explosion de 1830 se confondirent définitivement dans leurs rangs. Tout en se séparant ainsi consciencieusement de la portion la plus nombreuse de son parti, lord Palmerston, que tous les aspirans au pouvoir commençaient dès lors à se disputer, resta fidèle à ses amis intimes dans les mauvais jours comme dans les bons. Il quitta le ministère avec eux malgré les bienveillantes dispositions que lui témoignaient le duc de Wellington et sir Robert Peel. Il refusa plus tard les offres isolées de ces derniers, et, s’étant signalé dans plus d’un discours sur la politique nouvelle de l’Angleterre au dehors, il prit naturellement sa place auprès de lord Grey en 1830 comme ministre des affaires étrangères, fonctions dont il s’acquitta encore avec une grande notoriété dans les ministères subséquens de lord Melbourne et de lord John Russell. Enfin, dans le gouvernement de lord Aberdeen, il occupa durant deux ans le département de l’intérieur.

Nous aurions bien incomplètement retracé cette rapide esquisse de la vie de lord Palmerston, si nous ne parlions que de sa laborieuse application à ses devoirs politiques et parlementaires. Il ne séduisait pas moins ses compatriotes par son dévoûment sincère à