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sol est très favorable à la plantation, le tabac paie environ 7 pour 100 de sa valeur, tandis que pour les terres les plus fertiles de la Poméranie l’impôt s’élève jusqu’à 19 pour 100. Et nous raisonnons ici sur des chiffres moyens, car les déclarations que les planteurs doivent faire chaque année devant les employés du fisc permettent de relever des différences beaucoup plus saisissantes, et il n’est point rare d’y rencontrer des parcelles qui sont entre elles, pour la qualité des produits, comme 1 est à 18, de telle façon que le quintal de feuilles paie ici 2 fr. 50 et là 45 francs. La législation prussienne admettait une gradation basée sur le classement des terrains cultivés, mais le gouvernement fit valoir devant le parlement douanier les défectuosités de ce système. « Tous les ans, disait-il, les experts emploient uniformément le même moyen de fraude, qui consiste à faire passer les meilleurs fonds dans les classes inférieures, de façon à rejeter le poids de l’impôt sur la partie du sol qui produit le moins. Sans doute, la nouvelle méthode équivaut, pour un grand nombre de planteurs, à la prohibition directe ; il ne sera plus permis d’affecter à la culture du tabac toute sorte de terrains, et ceux qui ne sont pas doués des qualités propres à ce genre d’exploitation devront recevoir un autre emploi ; mais c’est affaire de temps. Au bout de quelques années, les spécialités se seront classées, et les parcelles de premier choix étant seules réservées pour la plantation, nous arriverons tout naturellement et sans efforts à une réelle péréquation de l’impôt. » Ces considérations n’ont point touché l’opinion, qui demande le retour, à la loi prussienne, l’arpentage et la classification des terrains, en un mot l’application du cadastre à l’assiette du Tabaksteuer. D’un autre côté, on distingue un courant très vif, surtout chez les hommes politiques, pour une augmentation du tarif actuel. En 1871-1872, la taxe sur la culture a produit 1,900,000 fr., à part le droit de douane, c’est-à-dire en réalité moins de 5 centimes par habitant ! Il s’agirait aujourd’hui, pour remplacer l’impôt sur le sel, de demander au tabac 40 millions de plus, soit au moyen du monopole, soit en empruntant le régime qui existe en Russie et aux États-Unis et dont la France a fait un court essai pour l’impôt sur les allumettes, soit enfin par une aggravation suffisante de la taxe de culture. La Prusse, ennemie du monopole au temps où elle se flattait de personnifier le progrès au sein des conférences générales, a dû sacrifier au succès, et elle décréterait aujourd’hui ce même monopole, n’était la crainte des émotions populaires. C’est que le nombre des planteurs est considérable et que, dans certaines contrées, la moyenne des plantations représente à peine 50 ares par famille. Le revenu brut de cette industrie