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malgré elle son chef marcher au secours de l’Italie. Elle a été payée jusqu’au dernier centime par la cession de deux provinces. Dès qu’elle a eu les mains libres, elle a voulu contraindre le bienfaiteur de l’Italie à reprendre morceau par morceau ses bienfaits. Depuis la mort de Napoléon, ses journaux prêchent la croisade contre le chef-d’œuvre du gouvernement impérial, contre l’Italie. L’Italie n’a jamais manqué de se montrer reconnaissante envers la civilisation française, à laquelle elle doit sa renaissance, envers la révolution française, qui a posé en Italie les fondemens de l’état moderne, envers les soldats français, qui ont donné à Solferino et Magenta leur vie pour la délivrance de l’Italie, envers l’empereur enfin, qui, en dépit de son peuple, a ouvert à la patrie de Dante le chemin de la liberté. »


L’Italie peut voter des couronnes d’immortelles à Napoléon III ; mais il ne faut pas qu’elle songe à lui dresser des statues. « Les feuilles étrangères, dit un grave recueil allemand, peuvent bien reconnaître que Napoléon III a été le promoteur, l’agent principal dont le destin s’est servi pour former une nouvelle Europe, pour rendre l’unité et l’indépendance aux deux grandes nations du centre. Les Italiens vont plus loin ; ils voient dans Napoléon III non-seulement l’instrument, mais en partie le créateur de leur fortune historique. Nous ne les chicanerons pas aujourd’hui sur ce point-là, nous n’essaierons pas de consoler dans son deuil une nation lorsque l’homme qu’elle pleure est renié par son propre peuple ; mais l’Italie considère comme une tragédie émouvante le sort de Napoléon : à nous autres Allemands, il n’est pas permis de trouver tragique ce que nous ne pouvons pas trouver grand, » la journal italien, la Perseveranza, avait exprimé le regret que l’Italie eût été incapable en 1870 de nous rendre une partie de nos services de 1859. « Il n’y a pas, disait-elle, un Italien sur dix mille qui n’ait souffert à la pensée que nous étions impuissans lorsqu’on reformait aux dépens de la France, sur les rives du Rhin, cette Lombardie et cette Vénétie que la France avait affranchies à notre bénéfice sur les rives du Pô. » Parler du Rhin ! songer à l’Alsace ! Pour le coup la Gazette d’Augsbourg n’y tient plus, et elle morigène la Perseveranza de la même manière qu’une gazette de Paris, « C’est une phrase insipide ; il faudrait la laisser aux journalistes français. Nous plaindrions l’Italie, si elle n’avait sur la Lombardie et la Vénétie d’autres droits que ceux que la France s’arroge sur l’Alsace. Que diraient les nobles citoyens de Milan et de Venise qui opposèrent une si héroïque résistance au joug étranger, que diraient-ils s’ils savaient que leurs compatriotes comparent leurs souffrances avec la légère incommodité qu’éprouvent pour un temps