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LA
POLITIQUE RELIGIEUSE
DE LA PRUSSE

Depuis deux ans, le gouvernement prussien est engagé dans un sérieux conflit avec l’église catholique, qui compte près de 14 millions d’adhérens dans le nouvel empire germanique. Ce conflit grandit tous les jours, il est devenu une guerre à outrance, ou, pour mieux dire, une véritable persécution religieuse, car la force matérielle n’est que d’un seul côté. Les lois votées à Berlin sont des lois d’exception, elles font partie de ces trop fameuses législations de combat qui déshonorent les codes où elles prennent place. La violence n’est en effet jamais plus détestable que lorsqu’elle emprunte le langage et les formes augustes du droit. En entrant dans une voie pareille, la Prusse tend à ramener l’Europe aux luttes religieuses du XVIe siècle, et elle montre une fois de plus que la science et l’habileté consommée dans la pratique du pouvoir peuvent avoir pour résultat de faire reculer la civilisation généreuse des temps modernes. Nous savons très bien ce que l’on invoque à la décharge de la politique du gouvernement impérial ; il était évident, dès le mois de juillet 1870, que le triomphe des prétentions les plus exagérées de l’ultramontanisme au concile du Vatican devait entraîner de grands périls pour l’église catholique, et la jeter dans des conflits redoutables avec les pouvoirs civils qui n’auraient pas désarmé devant elle. On ne peut se dissimuler la gravité d’un tel défi lancé à la société moderne et chrétienne ; mais il s’agit de savoir si celle-ci lui répondra de la même façon, si l’état, pour se défendre contre le pouvoir effréné que M. de Montalembert appelait l’idole du Vatican, se fera lui-même idole, et ne disputera la conscience humaine à l’église envahissante que pour la violenter comme elle et à son