Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Prusse, le gouvernement italien avait, il est vrai, consenti à remettre en vigueur la convention telle qu’elle avait été expliquée officiellement par les deux gouvernemens, car la convention même de 1864 leur réservait toute liberté d’action dans les cas extraordinaires et imprévus ; mais en effet le gouvernement italien ne prit son parti qu’en face d’événemens vraiment exceptionnels. Il resta jusqu’au dernier moment attaché loyalement à la politique qu’il avait proclamée. Très convaincu du droit que la nation italienne avait d’établir sa capitale à Rome, le gouvernement pensait néanmoins qu’on ne devait entrer à Rome qu’avec l’aveu et du consentement de l’opinion publique française : rien de plus clair, de plus ferme que les paroles par lesquelles, dans la célèbre séance du 25 mars 1861, le comte de Cavour formula ce programme ; mais après Sedan, quand l’empereur eut remis son épée, que la révolution se rendit maîtresse de Paris, où voulait-on que le gouvernement italien trouvât la force morale d’imposer aux partis l’inaction et l’attente ? Où étaient ; le 7 septembre 1870, le gouvernement et l’opinion publique de la France ? Aurait-on dû attendre, avant de se décider, que tout fût bouleversé en Italie ? Le gouvernement italien se trouvait en face du gouvernement pontifical, qui n’avait voulu se plier en dix ans à aucune des nécessités de la nouvelle position de l’Italie. Les droits de la nation étaient proclamés depuis dix ans, proclamés solennellement par la chambre des députés et par le sénat. Le sentiment de ces droits était dans la conscience du pays, et on ne saurait soutenir qu’il n’était que le résultat de la fantaisie ou des passions d’un petit nombre, ou un artifice politique sans portée. Les votes empressés de la chambre, les excitations de la presse la plus modérée, montraient assez que l’on croyait arrivée une de ces heures solennelles où les nations qui n’osent pas prendre leur sort dans leurs mains n’ont plus le droit de vivre. Pouvait-on laisser exploiter le sentiment national par les partis anarchiques dans un pareil moment, où on n’aurait pu les empêcher de déborder ? Si on leur avait laissé prendre l’initiative, ou plutôt si on ne leur eût pas dérobé celle qu’ils avaient déjà prise, tout le pays eût été avec eux, et le gouvernement eût été emporté ! Le pape lui-même eût-il mieux tenu contre l’orage que le gouvernement ? Et l’état de choses qui aurait pu en résulter n’eût-il pas été mille fois plus dangereux pour la France, mille fois plus contraire aux principes de conservation et d’ordre qui y ont repris le dessus si heureusement et si vite ?

Ces sentimens se font jour même dans les communications qui eurent lieu à cette époque entre le gouvernement italien et celui de la France. A Paris, le ministre des affaires étrangères ne trouve pas un mot pour dissuader le ministre d’Italie avant l’expédition ; le ministre de France à Florence exprime dans une lettre chaleureuse