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la chercher dans la conscience des fidèles. Si ce système réussissait, l’église deviendrait libre dans le même sens que l’état est libre.

Or, sans vouloir discuter les motifs de ces deux systèmes ni examiner ici jusqu’à quel point l’un ou l’autre peut être couronné de succès, il est évident que d’une part l’état en Italie n’est pas constitué comme en Allemagne, et de l’autre que les esprits n’y sont pas du tout prêts à prendre aux questions religieuses un intérêt aussi vif qu’au-delà des Alpes. Les trois quarts des Italiens n’ont jamais réfléchi sur la religion qui leur vient de leurs pères ; ils n’ont fait aucune attention aux décrets du dernier concile ; ils ne voient pas en quoi ils sont gênés par l’infaillibilité du pape ou la dépendance absolue des évêques. L’autre quart y pense peut-être ; mais il faut bien remarquer que, parmi ceux qui se donnent cette peine, le plus grand nombre sont des libres penseurs ou des sceptiques, et ne voient point d’utilité à changer le mode d’élection des ministres d’une religion à laquelle ils tiennent peu ou point. Les discussions historiques qui s’efforcent de prouver que l’organisation catholique n’a pas été toujours telle qu’elle est aujourd’hui, et qu’il faudrait retournera une des organisations du passé, ne trouvent guère d’écho en Italie. On dirait qu’à des esprits ainsi faits le système allemand pourrait sourire un peu plus ; il n’en est rien. Cet état laïque qui doit suivre l’église à la piste pour la contrecarrer, l’influencer, la contenir, l’instruire, leur paraîtrait insupportable ; ils préfèrent un état qui ne la connaît pas. Ainsi, en même temps que le parlement prussien se préparait à voter des lois pour régler l’enseignement religieux et théologique, le parlement italien abolissait les chaires de théologie. C’est une disposition d’esprit qui ne doit pas être rare en France, qui par conséquent y sera facilement comprise.

L’exemple de l’Allemagne et de la Suisse, s’il trouble en Italie l’esprit de quelques hommes politiques, n’a donc aucune chance d’y être suivi ; mais l’hostilité dont il témoigne contre l’église catholique prête à la modération italienne l’apparence d’une trop grande faiblesse. — Cette église, dit-on souvent, est pourtant l’ennemie de l’Italie bien plus que de l’Allemagne ou de la Suisse ; pourquoi la ménager autant ? S’il y a des gouvernemens qui nous le demandent, ne vaut-il pas mieux les braver maintenant qu’il nous est possible de le faire en si puissante compagnie ? N’est-il pas clair qu’à ce vieil édifice qui menace ruine ce sont les Italiens qui pourraient donner les coups les plus redoutables, les Italiens qui seuls peuvent en saper les fondemens, puisque c’est chez eux que l’édifice a été construit ? Il ne manque pas d’incitations pour pousser les esprits sur cette pente, mais il est permis d’espérer qu’elles resteront sans effet. Même après des provocations si