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y persister. Puisque le gouvernement italien a transporté son siège au centre de la catholicité, son devoir le plus strict ainsi que la prudence la plus vulgaire lui commandent d’éviter jusqu’à l’apparence de vouloir exercer aucune influence sur la direction de la religion catholique ou lui imposer un changement organique quelconque. Tout ce qu’il ferait dans ce sens ne servirait qu’à retarder ou même à empêcher ce changement désirable. Le respect de ce qui existe, un respect même outré, n’est pas seulement du meilleur goût, c’est aussi la meilleure politique. C’est la seule qui puisse délivrer l’Italie pour toujours du plus grand de ses dangers, ou, si l’on veut, du plus grand de ses ennuis, car elle ôte tout prétexte à la réaction intérieure et extérieure. C’est la seule qui pourra mettre la raison de son côté, et qui ne risque pas, en soulevant des consciences ardentes, de troubler l’action des partis libéraux dans les autres états. Par-dessus tout, elle prouve aussi bien aux ennemis qu’aux amis que ce grand mouvement de la nationalité italienne s’est inspiré dès l’origine de principes bien déterminés, et qu’il peut toujours promettre d’y rester fidèle.

En effet, le gouvernement italien peut hardiment affirmer que l’histoire des trente mois qui se sont écoulés depuis qu’il est à Rome avait été racontée douze ans à l’avance. C’est le comte de Cavour qui, dans la séance du 25 mars 1861, l’avait tracée pour les ministres qui auraient à lui succéder, pour le grand parti qui s’était rallié à sa politique. « Il faut, disait-il, que la grande masse des catholiques en Italie et ailleurs ne voie pas dans la réunion de Rome au reste de l’Italie le signal de l’asservissement de l’église. Il faut, en d’autres termes, que nous allions à Rome, mais sans que l’indépendance du souverain pontife soit diminuée ; il faut que nous allions à Rome sans que l’autorité civile étende son pouvoir sur le domaine des choses spirituelles… Qu’un accord avec le pape précède ou non notre entrée dans la ville éternelle, l’Italie n’aura pas plus tôt déclaré la déchéance du pouvoir temporel qu’elle séparera l’église de l’état, et assurer à les bases les plus larges à la liberté de l’église. Quand nous aurons fait cela, quand ces doctrines auront été sanctionnées solennellement par le parlement,… alors, je l’espère, la grande masse des catholiques absoudra les Italiens, et fera retomber sur qui de droit la responsabilité de la lutte fatale que le pape aura voulu engager contre la nation au sein de laquelle il réside. » Le jugement est commencé, et il a été jusqu’ici favorable à l’Italie.


R. BONGHI.