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avec Phocas[1] ? Les deux Grégoire n’en restent pas moins au-dessus des misères de notre nature. Interrogé par les évêques et les cardinaux qui l’environnaient sur le choix de son successeur, il leur nomma quatre candidats, avec l’indication de celui qu’il convenait de choisir le premier, et, bien que par l’effet de diverses circonstances, telles que le refus prolongé de ce premier candidat, les maladies épidémiques et la guerre, toute élection ait été suspendue pendant près d’un an, la volonté de Grégoire fut ponctuellement observée, et le nouveau pape, Victor III, poursuivit la rigoureuse et inexorable exécution des décrets rendus contre les simoniaques et les schismatiques. En même temps furent renouées les relations politiques du saint-siège avec l’Allemagne, pour la continuation de la lutte contre l’empereur, et avec la puissante comtesse Mathilde et les Normands pour la défense de l’Italie contre les troupes impériales et l’antipape Wibert, qui avait usurpé le nom de Clément III. Ainsi par les actes publics comme par les personnes, Grégoire VII continuait du fond de la tombe à diriger la politique pontificale, et rien n’était changé par l’avènement d’un nouveau pape. Un pareil exemple de résolution dans les desseins, de confiance dans le succès et de fermeté dans la conduite n’était possible sur le trône du saint-siège qu’après la loi organique de Nicolas II sur l’élection des papes. Voyons quelle en fut l’influence sur la direction des affaires.

En Allemagne, il s’était passé depuis la mort de Rodolphe de Rhinfeld, l’anticésar opposé par le parti pontifical à l’empereur Henri IV, des événemens qui avaient rendu inutiles pour Henri les résultats obtenus par la chute du chef de la révolte. Cette époque avait été celle du paroxysme de la lutte ; jamais la guerre civile et religieuse n’avait été plus vivement et plus sérieusement engagée. La nécessité d’un nouveau chef apparut à tous les yeux. On n’avait plus à prendre dans la famille de l’empereur de personnage important, comme avait été Rodolphe, dont la défection ajoutait à la révolte un puissant effet moral ; mais on chercha les mêmes avantages dans des conditions différentes. On les trouva dans la personne du comte Hermann, de la première maison non impériale de Luxembourg, capitaine habile qui pouvait par ses relations féodales intéresser dans la révolte une nation qui s’était jusque-là montrée disposée pour Henri, la nation de Lorraine, étroitement liée à celle de la France orientale ou teutonique. La politique se joignait à la renommée militaire pour conseiller ce choix, qui fut accompli en décembre 1081 à Ochsenfurt, et consacré en 1082 par l’onction

  1. Voyez, à cet égard, un bon livre de M. Pingaud sur la Politique de saint Grégoire le Grand ; Paris 1872, in-8o.