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prendre les armes contre son fils, et le premier ministre bannir du royaume la mère du roi.

Comme Marie de Médicis, Anne d’Autriche porta le trouble dans l’état et le désordre dans les finances. Sœur du roi d’Espagne Philippe IV, elle entretint avec ce prince et son frère le cardinal-infant une correspondance où elle livrait les secrets de la politique française, ce qui constituait un acte de haute trahison qu’elle eût payé de sa tête, si le titre de reine ne l’avait pas élevée au-dessus des lois. Après avoir conspiré avec Chalais contre la France, elle conspira avec Cinq-Mars contre Richelieu et fut l’âme des complots qu’entravèrent les desseins de ce grand homme d’état et menacèrent sa vie. Investie de la régence à la mort de Louis XIII, elle abandonna le pouvoir à Mazarin, qui lui inspirait une passion violente, et si l’habile et tout-puissant ministre continua l’œuvre d’agrandissement territorial et de prépondérance politique et militaire commencée par Henri IV et Richelieu, il ne fit que trop sentir à l’intérieur que, dans ce royaume où la loi salique interdisait aux femmes de régner, il suffisait à un parvenu du hasard de l’amour d’une femme pour régner en maître absolu. Grâce à la domination qu’il exerçait sur la régente, il put travestir en gentilhomme français, sous le nom du sieur d’Emery, pour en faire l’instrument de ses rapines, son compatriote Patricelli, banqueroutier frauduleux, qu’il nomma surintendant des finances ; il put contracter des emprunts ruineux, faire perdre d’un seul coup soixante millions aux créanciers de l’état, sous prétexte que les uns étaient trop riches et les autres des gens de rien dont on n’avait point à s’occuper, et laisser en mourant 100 millions dérobés au trésor public, que Louis XIV, à qui il les avait légués par son testament, eut la délicatesse de refuser parce qu’il en connaissait la source. Les scandales de l’administration de Mazarin, autorisés par le scandale de ses relations avec la reine-mère, soulevèrent la haine de la noblesse, du parlement et du peuple, et la fronde sortit de la régence comme le lointain préludé de l’agitation révolutionnaire.

On le voit par les faits que nous venons de rappeler, depuis Henri II jusqu’à Louis XIII les mariages contractés avec des princesses étrangères ont été également funestes aux rois et au peuple. Il en fut de même du mariage de Louis XVI. Au moment où l’amant de la Du Barry rendait le dernier soupir, le dauphin, devenu roi, et Marie-Antoinette s’étaient écriés en pleurant et en tombant à genoux à quelques pas de son lit de mort : « Mon Dieu ! guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes. » C’était la première fois depuis l’origine de la monarchie que la prise de possession de la couronne était saluée par des larmes ; mais l’avilissement du pouvoir, la ruine du trésor et les sourdes menaces de l’opinion