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du soir au lendemain, si l’assemblée se retirait immédiatement pour faire place à une assemblée selon l’idéal révolutionnaire ! Croit-on que ce qui reste à exécuter du traité d’évacuation deviendrait plus facile ? M. le président de la république et M. le ministre des finances n’en sont point sans doute à prendre leurs précautions pour être en mesure de faire face aux terribles charges qui pèsent sur la France de mois en mois d’ici au 5 septembre, ils connaissent leurs échéances ; mais enfin pense-t-on, avec des votes comme celui de dimanche dernier, leur prêter un secours bien efficace et pousser l’argent vers le trésor ? Est-on bien sûr que, si toutes ces excitations produisaient quelque effet, s’il y avait une de ces crises qu’on semble braver, il ne surgirait pas des difficultés nouvelles dont le poids retomberait sur les départemens occupés ? L’évacuation doit avoir lieu au mois de juillet, c’est vrai, elle ne sera cependant complète qu’au mois de septembre ; d’ici là il y a encore quatre mois. Voilà ce dont on devrait se souvenir. La vérité est qu’on se donne le passe-temps des protestations et des manifestations parce qu’on sait bien qu’il n’en sera ni plus ni moins, que l’assemblée et le gouvernement sont liés par cette considération supérieure de la libération. On veut en attendant se préparer, prendre position pour le moment décisif, au risque de compromettre par des agitations de partis un intérêt que d’autres sont chargés de sauvegarder. Et voilà comment, au point de vue national, ce vote du 27 avril est un oubli de patriotisme rendu plus sensible par ce fait, que le candidat présenté d’abord à la population de Paris était justement le ministre qui venait d’attacher son nom à la délivrance du territoire. Le parti de la révolution en permanence a répondu : Non, ce n’est pas ce qu’il me faut, la fin de l’occupation étrangère n’est qu’un détail, M. de Rémusat n’est pas mon homme ; voici un inconnu qui n’a pas délivré le territoire, mais dont je ferai le mandataire de mes ressentimens et de mes impatiences, dont l’élection, si je réussis, signifiera tout ce que je voudrai, la dissolution de l’assemblée, le congé donné aux « classes dirigeantes, » l’affirmation de la république des « nouvelles couches sociales. »

Les radicaux ont voulu frapper un grand coup, ils l’ont frappé, et, comme il arrive toujours quand on se livre à ces politiques violentes et aveugles, ils ont couru la chance d’un succès meurtrier pour leur propre cause. Ils n’ont écouté que leurs passions, ils n’ont pas vu que, par ces manifestations outrées, ils compromettaient bien plus qu’ils ne servaient tout ce qu’ils prétendaient défendre, Paris, dont ils se sont fait un complice abusé, le suffrage universel, la république elle-même. C’est Paris d’abord qui peut être la première victime de cette élection à laquelle on l’a entraîné, de cette faute qu’on lui a fait commettre, et il est exposé à être doublement victime, dans sa bonne renommée et