Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait cerner les anciens bataillons, qui se sont bientôt dispersés sans combat ; mais alors toute cette démocratie armée de Madrid s’est tournée contre la commission de permanence, menaçant d’aller l’enlever par la force, et le gouvernement, docile exécuteur des volontés de la multitude, dans laquelle il cherchait son appui, a prononcé tout simplement par décret la dissolution de la commission de l’assemblée. C’était, disait-on, le seul moyen d’éviter un conflit, et on n’a pas manqué de motiver le coup d’état par cette considération, invariable en pareille occasion, que la commission était « une cause de désordre. » Voilà donc la dernière apparence de légalité disparue au-delà des Pyrénées. C’est la dictature combinée avec la révolution. C’est une aggravation de la crise universelle où se débat l’Espagne, et à laquelle le pays sentira un jour ou l’autre le besoin de s’arracher pour se replacer sous un gouvernement de modération, éclairé du moins cette fois par une amère expérience, par toutes les fautes du passé.

ch. de mazade.


LA FRESQUE DE LA MAGLIANA.

Pendant ces derniers jours de fièvre électorale, presqu’à la veille du dénoûment et au plus fort de la mêlée, les amis de l’art ont eu du moins cette consolation qu’un merveilleux chef-d’œuvre, une introuvable fresque (fresque de Raphaël incontestable, incontestée), la seule dont aujourd’hui on puisse, hors d’Italie, constater l’existence, la fresque de la Magliana, digne émule de ses plus nobles sœurs du Vatican, est devenue la propriété de notre musée du Louvre. On la vendait aux enchères, et selon toute probabilité c’était par les musées de Londres ou de Saint-Pétersbourg qu’elle allait être acquise. On doutait même que la France tentât de la leur disputer, puisque notre crédit budgétaire pour acquisition d’objets d’art ne laissait disponible au présent exercice qu’une cinquantaine de mille francs tout au plus et que l’achat de cette fresque par adjudication publique devait atteindre à coup sûr un prix beaucoup plus élevé.

Heureusement les vendeurs ont consenti à laisser le musée du Louvre enchérir conditionnellement, et l’adjudication, faite au prix de 206,500 fr., est devenue définitive à leur égard, tandis qu’elle n’oblige l’administration que si l’assemblée nationale l’adopte et la ratifie. Il faut donc un vote, une sanction avant d’entrer complètement en jouissance, mais douter de ce vote, de cette sanction, ce serait méconnaître ce qu’il y a dans notre assemblée de lumières, de patriotisme et de juste orgueil national ; ce serait oublier les preuves qu’elle en a données en mainte occasion, notamment en votant le crédit de 200,000 francs demandé pour acquérir les médailles gauloises de M. de Saulcy. L’assemblée, nous en sommes certain, ratifiera avec bonheur un achat que tous nos artistes