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compliquer davantage à mesure que les observations authentiques, les faits précis et bien constatés se multiplient.

Cette question et tant d’autres qui sont du ressort de la climatologie s’éclaireraient peut-être d’un jour nouveau par une discussion sérieuse des documens de statistique médicale épars dans une foule de publications, et qu’il faudrait rapprocher des données fournies par la météorologie, qui depuis près d’un siècle entasse des montagnes de chiffres dont on songe à peine à tirer parti. Pour que les chiffres parlent, il faut les grouper. Les tableaux ou les courbes qui résument la fréquence des diverses maladies devront être comparés aux données numériques que l’on pourra se procurer sur les oscillations de la température et du degré hygrométrique de l’air, sur la quantité de pluie tombée, sur les eaux souterraines, sur les variations de l’ozone et de l’électricité atmosphérique, sur les vents dominans, en un mot sur tous les phénomènes physiques qui affectent nos organes d’une manière sensible. Tant que ces rapprochemens ne seront pas faits sur une grande échelle, on risquera toujours de prendre des coïncidences fortuites pour des rapports de cause à effet, et les opinions les plus contraires trouveront de quoi s’étayer dans des résultats isolés et par suite incomplets. On est toujours porté à s’exagérer la force probante de ce qu’on appelle des faits ; l’expérience vous amène à en rabattre. Un fait a toujours deux faces ; nous ne voyons d’ordinaire que celle qui est tournée du côté de nos doctrines et éclairée par nos idées préconçues. Toutes les fausses théories qui encombrent la science reposent sur l’abus des faits, et on ne peut s’en garer qu’en multipliant le nombre des observations, en faisant manœuvrer les chiffres pour ainsi dire par masses compactes. Dans les séries d’observations prolongées et instituées dans des conditions multiples, les exceptions et les irrégularités sont noyées, les grandes lignes des lois physiques se dégagent, et les rapports de cause à effet apparaissent souvent avec une netteté qui emporte la conviction.


LES FUMEURS ET LES MANGEURS d’OPIUM EN CHINE.


Rien de plus connu que le fait même de la consommation de l’opium en Chine, rien de moins connu que le mode de cette consommation. M. le docteur Armand, dans son Traité de climatologie récemment publié, affirme qu’on a exagéré les effets pernicieux de l’extrait de pavot. C’est aussi l’opinion de beaucoup d’hommes d’état et de diplomates anglais, mais de pareils témoignages sont suspects ; celui de M. Armand au contraire paraît tout à fait désintéressé et doit être pris en considération. Ce médecin soutient que l’opium ne fait guère plus de mal aux Chinois que le tabac n’en fait aux Européens.