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sans lui donner d’ailleurs les moyens d’agir d’une manière sérieuse, Au 9 août, c’est un des ministres du temps, M. Jérôme David, qui l’assure dans l’enquête sur le 4 septembre, rien n’avait été préparé. Aucune disposition d’armement n’avait été prise dans les forts. Les ouvrages complémentaires de défense n’étaient point ébauchés. On comptait si naïvement sur le succès qu’on n’avait pas même songé à se prémunir contre les premiers dangers d’une invasion, à mettre en sûreté cette ville de plaisirs qui, avant six semaines, allait être réduite à la dure condition de la ville de guerre la plus menacée.

Former un comité de défense où entraient successivement des officiers éprouvés, puis des membres du corps législatif et M. Thiers lui-même, hâter l’armement de l’enceinte et des forts, élever au plus vite des redoutes nouvelles sur les points extérieurs les plus vulnérables du périmètre de la place, appeler des ports la puissante artillerie de la marine avec un personnel militaire des plus solides, accumuler dans Paris des approvisionnemens de toute sorte pour quarante-cinq jours d’abord, c’étaient là les premiers soins du ministère du 9 août. Cette préparation intérieure d’un siège devenu possible n’était cependant encore qu’une partie de la défense, qui elle-même se liait à la marche et aux opérations de la guerre. Paris armé, cuirassé, approvisionné, ne pouvait arrêter l’ennemi d’une façon efficace qu’avec le concours d’une force active suffisante. Cette force, où la trouver ? Elle était peut-être déjà vers le 18 août à Châlons, où le maréchal Bazaine, retenu sous Metz, n’avait pu arriver, mars où se réunissaient les débris du corps de Mac-Mahon, si cruellement éprouvé à Wœrth, le 5e corps du général-de Failly, qui, sans avoir combattu, n’était pas le moins démoralisé, le 7e corps du général Félix Douay, appelé de Belfort, le 12e corps, qu’on expédiait de Paris et dont le noyau le plus vigoureux était une division d’infanterie de marine. Avec un 13e corps organisé sous le général Vinoy et dont on allait pouvoir disposer d’une heure à l’autre, puis enfin avec un 14e corps en formation sous le général Renault, c’était une force qui pouvait s’élever rapidement à près de 150,000 hommes, qui était pour l’instant de plus de 100,000 hommes, et qui, sagement conduite, énergiquement raffermie sous un chef tel que le maréchal de Mac-Mahon, pouvait peut-être encore changer la fortune de la guerre.

Le nœud de la situation militaire à ce moment était dans la destination de l’armée de Châlons, placée entre la frontière et Paris. Je n’ai point à suivre ici dans ses détails la réalisation de l’idée stratégique du général de Palikao décidant tout à coup, comme ministre de la guerre, l’envoi de cette armée sur la Meuse et sur la Moselle