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Louvre et dans les Tuileries, et par ce fait rendait libre la fontaine que François Ier avait fait ériger sur la place de la Croix du Trahoir[1].

Dès qu’Henri IV eut disparu et que Sully fut rentré dans la retraite, l’alimentation des fontaines fut en péril, car sous l’influence de la cour on en revint au système des concessions gratuites : ce fut cependant sous la régence de Marie de Médicis que l’on exécuta un travail hydraulique qui fut pour Paris un véritable bienfait. On reprit un projet que la mort d’Henri IV avait empêché de mettre à exécution. En effet, dès 1609 Sully avait fait faire des tranchées dans la plaine de Longboyau pour retrouver, s’il se pouvait, les conduites romaines qui autrefois amenaient l’eau de Rungis jusqu’au palais des thermes. Heureusement la reine-mère voulut avoir un palais à elle, et elle acheta les terrains qu’elle réservait à la construction du Luxembourg. Placé sur un point élevé, fort éloigné de la Seine, ce palais futur devait être privé d’eau, et pour remédier à cet inconvénient on pensa de nouveau aux sources abondantes des territoires de Rungis, d’Arcueil et de Cachan. Différens entrepreneurs se présentèrent ; par délibération du 27 octobre 1612, le bureau de la ville accepta l’offre de Jehan Coing, maître maçon, qui s’engageait à capter les eaux et à les amener par aqueduc à Paris pour la somme de 460,000 livres. On donna une grande solennité à l’ouverture des travaux : la première pierre du principal regard de Rungis fut posée par le roi Louis XIII, accompagné de sa mère régente et de toute la cour, le 17 juillet 1613. Il fallut onze ans pour terminer l’œuvre entière, qui existe encore et que tous les Parisiens connaissent ; l’eau fut pour la première fois mise dans les conduites destinées à la recevoir le 18 mars 1624, en présence du prévôt des marchands et des échevins. Ces eaux, qu’on a toujours nommées les eaux d’Arcueil, une fois la prise du Luxembourg opérée, furent distribuées dans quatorze fontaines publiques nouvellement construites. La proportion était fort inégale : sur 30 pouces d’eau que l’aqueduc versait dans les réservoirs, 18 étaient attribués à la maison royale et 12 seulement aux besoins de la population[2].

En 1632, Barbier, contrôleur-général des forêts de

  1. La fontaine de François Ier a subsisté longtemps ; elle a été remplacée au siècle dernier par celle que l’on voit au coin de la rue de l’Arbre-Sec et de la rue Saint-Honoré.
  2. On mesurait l’eau alors par pouce et par ligne, système de jauge très défectueux, et qui entraînait à bien des erreurs. Le pouce fontainier équivalait en chiffres ronds à 20 mètres cubes en vingt-quatre heures (exactement 19m,195). Le mètre correspond à 1,000 litres ; Arcueil versait donc quotidiennement 600,000 litres d’eau à Paris.