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23 septembre 1870, il n’y avait plus assez d’eau dans le compteur hydraulique pour faire tourner la roue. L’eau cessa de venir : le canal avait été saigné par les Allemands dans la forêt de Bondy ; mais nous avions d’autres ressources sous la main. L’aqueduc de ceinture et les réservoirs de Monceau furent alors alimentés par les eaux de la Seine, de la Marne et du puits artésien de Passy. Le service de l’Ourcq put être rétabli en partie le 5 février 1871, mais il ne reprit une régularité sérieuse que pendant le mois de mars.


III

Sous le gouvernement de Louis-Philippe, toutes les eaux dont nous venons de parler ne semblèrent pas suffisantes à l’alimentation régulière de Paris, et l’on se résolut à en capter d’autres ; mais cette fois, loin de s’adresser à des rivières ou à des sources connues, on voulut aller chercher les eaux qui, s’infiltrant sur les hauts plateaux de la Champagne, forment un fleuve souterrain coulant au-dessous de la cuvette où Paris est assis. On décida qu’on forerait un puits artésien ; Arago affirmait qu’on atteindrait la nappe jaillissante sans d’insurmontables difficultés. L’emplacement désigné fut la cour des abattoirs de Grenelle. M. Mulot, chargé de l’opération, donna le premier coup de sonde le 24 décembre 1833. Les savans n’hésitaient point : la théorie géologique leur prouvait qu’on réussirait ; il n’en fut point ainsi du public, qui n’avait pas assez de railleries pour l’œuvre entreprise. M. Mulot eut beau déclarer dès le principe qu’il lui faudrait traverser au moins 400 mètres de couches de terrain avant de rencontrer l’eau, l’on riait de sa persévérance, de ce que l’on nommait son entêtement, et l’on ne se gênait pas pour tourner en dérision « l’aveuglement ministériel qui sacrifiait le budget de la France à des chimères. » Le théâtre s’en mêla, et dans une revue de fin d’année le principal personnage se nommait M. Mulot père et fils. Le travail avançait cependant, mais non sans peine, et il fallut bientôt compter avec le chapitre des accidens qui se produisirent, et furent d’autant plus graves que la profondeur était plus grande. Au mois de mai 1837, comme on était déjà arrivé à une profondeur de 380 mètres, qu’on avait traversé les terrains de transport, le calcaire à moellons, et que l’on se trouvait au milieu d’un énorme banc de craie compacte mêlée de silex, un bout de tige de 80 mètres portant la cuiller de forage se détacha et tomba au fond du puits. Il fallut retirer ce débris, qui s’était rompu en plusieurs fragmens dans sa chute. On n’y parvint qu’en taraudant, — tarauder, c’est faire un pas de vis, — l’un