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être du métier pour comprendre et pour expliquer ce qu’un tel labeur représente de conception hardie, de difficultés vaincues, d’intelligence et de science acquise. Le travail a été très rondement conduit ; il n’a fallu que deux années pour en voir la fin. L’état du règlement de compte prouve qu’il a coûté 3,700,000 francs ; c’est peu de chose en présence du résultat obtenu. L’homme qui a imaginé, dirigé, fait exécuter un tel projet peut dire comme Horace : Non omnis moriar. Cependant cela ne suffit pas à M. Belgrand ; il estime qu’il peut se surpasser lui-même, car le réservoir qu’il prépare en ce moment à Montrouge, sur les hauteurs de Montsouris, pour recevoir les eaux de la Vanne, aura trois hectares : un de plus qu’à Ménilmontant.


IV

Décrire les autres réservoirs de Paris après celui-là serait puéril ; qu’il suffise de dire que nous avons seize grands « épanouissemens » où l’eau est centralisée, où elle fait étape avant de prendre une route définitive[1]. Ils sont tous situés sur des points élevés où quelquefois l’eau ne peut parvenir que sous la pression d’une machine à vapeur ; mais, lorsqu’elle est arrivée dans ces vastes bassins, il s’en faut de beaucoup qu’elle soit à destination : elle pénètre alors méthodiquement dans des conduites en fonte qui, longeant les parois des égouts ou cheminant sous terre, la font aboutir au point précis qu’elle doit desservir. Mises les unes au bout des autres, ces conduites atteignent une longueur de 1,418 kilomètres ; si, à ce chiffre déjà considérable, on ajoute l’étendue des aqueducs de ceinture, de Belleville, des Prés-Saint-Gervais, d’Arcueil, de la Dhuis et de la Vanne, qui équivaut à 323 kilomètres, on arrive à un total extraordinaire. Il faut 1,741 kilomètres de conduites, de tuyaux, de canaux de toute sorte pour que Paris reçoive l’eau dont il a besoin. C’est un tiers de plus que la distance qui nous sépare de Vienne. Du reste, si l’on veut se rendre compte des inconcevables progrès qui ont été faits depuis cinquante ans pour la distribution des eaux, il suffit de comparer l’Atlas administratif publié par Maire en 1821 et le Plan général des conduites d’eau que M. Haussmann a fait lever en 1867. D’un coup d’œil, on verra combien la toile d’araignée s’est étendue, quel périmètre elle

  1. Ces seize réservoirs sont à Passy (deux), à Monceaux, rue Racine, rue Saint-Victor, à Vaugirard (deux), au Panthéon, à Ménilmontant, à Belleville, à Gentilly (deux), à Charoune (deux), à Montmartre (deux).