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efforts ; mais du moins ils avaient le droit de se dire qu’ils n’avaient point faibli, et que, s’ils n’avaient pas fait tout le bien possible, ils n’étaient point complices du mal qu’on avait fait.

N’avoir point fait le mal, l’avoir même empêché dans une certaine mesure, — mérite négatif si l’on veut, mérite parfois considérable, si l’on tient compte des circonstances ; on en doit faire honneur aux états de 1588. On doit le faire encore bien plus aux états de 1593 ou états de la ligue. Que voyons-nous à cette époque ? Une assemblée réunie au milieu des ardeurs de la guerre civile convoquée par les chefs de la rébellion, élue par leurs soins deux ans auparavant dans le premier feu des passions, siégeant à Paris, c’est-à-dire au foyer de la ligue, au cœur même de la révolte, livrée enfin à tous les entraînemens, à toutes les erreurs, aux intrigues des Lorrains, au fanatisme des ligueurs, aux corruptions des Espagnols, — à quels égaremens ne devrait-on pas s’attendre ! Quel est pourtant, en dépit de Mayenne, du légat et de tous les Espagnols, le premier acte de cette assemblée ? C’est de consentir à une conférence avec le Béarnais, et plus tard d’accepter la trêve qu’offrent les royalistes. Non pas assurément que dans cette assemblée il n’y ait des égarés, des fanatiques, des ambitieux. Mayenne et Féria, qui jouent chacun leur jeu et qui ne cherchent, l’un qu’à faire couronner la fille de son roi, l’autre qu’à garder le plus longtemps possible un pouvoir usurpé, possèdent ou séduisent parmi les cent vingt-huit membres plus d’un partisan ; mais il y a là aussi des âmes vraiment désintéressées, des cœurs vraiment dévoués à la patrie, des hommes comme de Vair, qui, lorsque l’Espagnol veut emporter les votes en faveur d’une étrangère, trouvent pour protester les plus nobles accens. Au parlement de Paris, nous le reconnaissons, doit revenir l’honneur de l’initiative. C’est lui qui, au moment suprême où les intrigues de l’Espagne menacent de triompher, ose concevoir et rendre ce fameux « arrêt de la loi salique » qui déclare nul d’avance tout établissement de prince ou princesse étrangers ; mais cet arrêt, les états, loin de le repousser, se hâtent d’en accepter les conséquences. Ils se refusent définitivement à élire un souverain, déjouant ainsi tous les calculs fondés d’avance sur leur complicité. Durant toutes ces hésitations, fruit d’instructives et patriotiques répugnances, Henri IV a eu le temps d’abjurer, si bien que ceux-là même qu’on avait appelés pour fonder une royauté révolutionnaire et étrangère ont rendu nécessaire l’avènement de la royauté légitime et vraiment française ! Encore une fois, si les états de 1593, tant bafoués dans la Ménippée et autres pamphlets de l’époque, tant méprisés depuis par les historiens, si ces états n’ont pas la gloire d’avoir assuré le salut de la