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nécessaire parce qu’il est devenu plus difficile ? La monarchie en est-elle moins impossible ? Le parti radical en est-il moins incapable de gouverner ? Le véritable intérêt du pays, le devoir des honnêtes gens n’est-il pas le même aujourd’hui qu’hier ? Au fond, rien n’est changé, puisque les mêmes nécessités subsistent ; rien n’est perdu, si les partis extrêmes reviennent à une politique plus sage et s’appliquent sincèrement à réparer leurs fautes. Personne n’imagine que le gouvernement puisse renoncer à sa tâche on se laisser détourner de sa voie par les nouveaux embarras qu’on lui suscite ; il succombera peut-être, mais il ne désertera pas. Personne d’ailleurs ne peut songer sérieusement à prendre sa place. Le devoir du gouvernement est donc tout tracé : il n’a qu’à poursuivre avec fermeté l’exécution de son programme sans s’arrêter à entendre les plaintes des uns et des autres, sans se laisser intimider par leurs succès ni par leurs menaces. Peut-être en sera-t-il de la crise actuelle comme de tant d’autres qui, après avoir troublé inutilement le repos des esprits, se sont évanouies sans laisser de traces.


I

Après tout, le grand fait qui domine notre situation politique n’est ni l’élection plus humiliante que dangereuse de M. Barodet à Paris, de MM. Ranc et Lockroy à Lyon et à Marseille, ni la destruction de la municipalité lyonnaise, ni même la démission de M. le président Grévy : c’est la libération du territoire, c’est le paiement prochain du dernier milliard de l’indemnité prussienne. La libération du territoire, que tout le monde semble avoir oubliée, n’est pas seulement un succès diplomatique et financier, un grand et heureux événement extérieur ; c’est aussi un événement de politique intérieure, et de beaucoup le plus important de tous. Le prochain départ des armées étrangères ouvre pour nous une ère nouvelle. Jusque-là le gouvernement était obligé de se contenter d’un titre provisoire, de maintenir de son mieux ce qu’il avait appelé lui-même la trêve des partis, de biaiser avec les diverses oppositions parlementaires, de se faire le défenseur des droits de l’assemblée, qui ne pouvait être changée sans péril. Tant que la libération du territoire n’était pas un fait acquis, il n’y avait pas de solution, pas d’issue possible aux difficultés sans cesse renaissantes qui entravaient dans l’assemblée l’action du gouvernement.

Tout change avec la libération du territoire. L’action politique devient possible au dedans, elle devient même nécessaire pour sauver la paix publique. Les partis en ont déjà profité pour donner carrière à toutes leurs espérances ; ils n’ont même pas attendu le