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Les blessures d’une funeste guerre ne sont pas encore cicatrisées. Les dommages matériels causés par les inondations récentes ajoutent aux douleurs du pays. Enfin il doit lutter contre la propagande socialiste par laquelle l’Internationale a la prétention de corrompre des contrées que leur situation géographique et la sagesse traditionnelle de leurs populations avaient jusqu’à ces derniers temps préservées de la contagion des doctrines radicales. Sur une petite échelle, on voit se produire dans les débats des chambres danoises des luttes parlementaires aussi curieuses que celles des états les plus considérables. Les questions politiques, économiques, sociales, s’y agitent au milieu d’une vive animation, et l’on voit se poser dans la vie constitutionnelle du Danemark la plupart des problèmes ardus que les grandes puissances s’efforcent actuellement de résoudre. C’est là un spectacle qui n’est pas dépourvu d’intérêt, et l’on ne doit pas oublier que plus un pays innocent est maltraité par la fortune, plus il mérite les sympathies des hommes qui estiment autre chose que le succès.


I

Il y a bientôt dix ans que le roi Christian IX occupe un trône auquel la naissance ne paraissait pas devoir l’appeler. Ce prince s’est complètement identifié avec les idées de ses sujets, et au dehors comme au dedans il a suivi une politique franchement danoise. Ses restions avec la cour de Stockholm ont pris un caractère chaque jour plus intime. Toutefois, en recherchant les liens d’une sympathie morale et intellectuelle et en développant des rapports de bon voisinage qui ont leur cause dans les affinités d’origine, de religion et de langage, les trois peuples qualifiés du nom de peuples frères ont su se prémunir contre une politique d’absorption. Il ne s’est agi de sacrifier ni Copenhague, ni même Christiania à Stockholm. Si la Suède et la Norvège, malgré la communauté de souverain, conservent leur individualité, à plus forte raison en est-il ainsi de la Suède par rapport au Danemark. Il n’y a plus, nous le savons, aucune trace du ressentiment causé à ce dernier pays en 1814 par la perte de la Norvège ; mais ce souvenir pénible ne tarderait pas à se ranimer le jour où l’on voudrait mettre en avant des combinaisons contraires au principe de l’autonomie des trois groupes dont se compose la famille Scandinave.

Frédéric VII, le prédécesseur de Christian IX, témoignait à son voisin et ami le roi de Suède une affection toute fraternelle ; On avait craint un instant que la mort du monarque danois ne fût une cause de refroidissement dans les relations des deux dynasties ; cette prévision ne s’est pas réalisée. Convaincues toutes les deux de leur loyauté mutuelle, les deux maisons royales ont cimenté leur alliance par le mariage