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usurpée. Sa prédilection pour l’influence française n’a probablement pas eu dans le principe d’autre origine. Mais laissons Méhémet-Ali, et revenons à Khosrew.

Maltraité par tous les partis, Khosrew eût dû avoir en égale horreur l’Angleterre et la France. Les sympathies qu’on lui supposait pour nous faillirent mettre cependant sa vie en danger. Lorsque le maintien de l’ancien gouverneur fut devenu impossible en Égypte, le sultan Sélim l’avait envoyé en Bosnie. Là Khosrew rencontra un consul de France qui ne tarda pas à prendre sur son esprit un étonnant ascendant. L’entrevue de Tilsitt n’avait pas encore décidé le puissant empereur des Français à laisser les destins de la Turquie s’accomplir. M. David, consul-général à Bosna-Seraï, entretint facilement Khosrew dans des sentimens favorables à la seule alliance qui pût alors balancer les dispositions malveillantes de la Russie et de l’Angleterre. « Khosrew, nous dit M. David, avait d’abord voulu se faire aimer, il en fut bientôt réduit à se faire craindre. Pour la moindre infraction à ses ordres, la tête du coupable tombait ; à la moindre menace de guerre, son sabre sortait du fourreau. Brave militaire, homme de courage et de résolution, il admirait Napoléon et aimait les Français. Cette prédilection le rendit suspect à la populace. » Sélim III venait d’abdiquer en faveur de son neveu Mustapha. Le 24 juillet 1807, un capidji-bachi arriva en Bosnie. Il apportait à Khosrew, de la part du nouveau souverain, un sabre d’honneur. Tout ému, du moins en apparence, de ce témoignage flatteur de la bienveillance du nouveau souverain, le pacha combla le capidji de caresses et de présens ; mais les émissaires du sultan ont souvent une distinction flatteuse à la main et un firman de mort caché dans la doublure de leur pelisse. Le capidji-bachi était un vieillard qui avait assisté autrefois au siège d’Ochakof par les Russes. Les fatigues du voyage, peut-être aussi le sorbet que Khosrew lui fit offrir au sortir du bain, l’obligèrent à s’aliter le 4 août ; le 5, il était mort. Khosrew lui fit faire des funérailles splendides. Quelques mois après, Mustapha était étranglé, Mahmoud montait sur le trône, et Khosrew, dont le divan appréciait l’énergie, se voyait appelé au gouvernement de la Macédoine. Quelques historiens se sont obstinés à voir dans le pacha de la Bosnie « l’homme le plus astucieux et le plus faux qu’ait jamais produit l’empire ottoman. » Ce qui est certain, c’est qu’à diverses reprises Khosrew occupa les emplois les plus importans, qu’il vit successivement tomber autour de lui ses amis et ses adversaires, dirigea les affaires dans des circonstances éminemment critiques, et mourut plein de jours, chose assez peu commune à toute époque chez les hommes d’état de la Turquie.

M. le comte de Beaurepaire rendit visite au capitan-pacha le