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midi, ainsi que les propriétés que lui offraient en Angleterre et en Irlande de nombreux admirateurs. Il répondait simplement : « je suis profondément reconnaissant, mais je ne puis quitter mon état natal dans l’heure de son adversité ; je dois suivre ses fortunes et partager son sort. »

Quelques mois après la capitulation et malgré ses scrupules, — car il craignait que la notoriété de son nom n’attirât sur l’école la défaveur du gouvernement, — il fut élu président de Washington-Collège, à Lexington, dans la vallée de la Virginie. Fondé en 1740 par les Anglais et doté plus tard par Washington, le malheureux collège n’était plus qu’un amas de ruines, — ayant été dévasté pendant la guerre, alors que Hunter, à la tête d’une colonne fédérale, ravageait et pillait le pays. Les ressources étaient si réduites qu’il semblait impossible de remettre l’institution en état. Ces difficultés ne firent que stimuler l’ardeur infatigable de Lee. L’influence magique de son nom amena rapidement et de tous les pays des souscriptions au collège et des élèves en foule, — il en vint même du nord, empressés de profiter de ses instructions et de son exemple. Quoique ruiné par la guerre, il ne voulut accepter qu’un traitement très inférieur à celui qu’on lui destinait, et lorsque les trustees offrirent à sa femme une maison avec une rente de 3,000 dollars, il refusa en son nom.

Les propositions les plus honorables continuèrent à lui être faites pendant les cinq années qu’il remplit ces fonctions ; mais rien ne put lui faire abandonner l’œuvre qu’il avait entreprise. Lorsque ses amis s’étonnaient qu’il pût s’intéresser aussi activement à un collège en décadence, il leur répondait : « J’ai une mission à y remplir. J’ai mené les jeunes gens du sud au feu ; j’en ai vu beaucoup tomber sous mon drapeau ; maintenant je dévoue le reste de ma vie à faire de ceux qui me sont confiés des hommes de devoir. » Cette mission, il la remplit noblement. Les étudians le vénéraient et le regardaient en même temps comme leur meilleur ami. Sa discipline était stricte : il ne pardonnait ni un mensonge, ni une lâcheté, quoique son indulgence fût grande pour des fautes de légèreté et de jeunesse. Ses reproches étaient si affectueux que les jeunes gens ne redoutaient rien autant que d’être blâmés par le général Lee : aussi son influence se fit-elle bientôt sentir sur les professeurs comme sur les élèves. Les maîtres les plus distingués se faisaient un honneur d’enseigner sous sa direction, et on eût difficilement trouvé une réunion de jeunes gens dont la conduite fût meilleure. Il avait pris le collège désert, sans ressources, désorganisé, ruiné ; il le laissa riche, florissant, plein d’élèves.

Cependant la robuste santé qui avait traversé de si cruelles épreuves commençait à s’en ressentir, et le général Lee était obligé