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alors comme aujourd’hui des courans équatoriaux et des courans polaires, les uns apportant avec eux la chaleur, les autres le froid. Les mouvemens d’élévation ou d’abaissement du lit de la mer qui se rattachaient aux oscillations de la croûte terrestre ont sans doute changé plusieurs fois la direction de ces courans. Est-ce là une pure hypothèse ? Pas le moins du monde : Darwin a démontré que les mêmes soulèvemens et les mêmes affaissemens du sol se produisent encore dans l’océan. Ces mouvemens du fond de l’abîme qui changeaient le contour des rivages, le niveau du lit de la mer, et dont le contre-coup se faisait sentir à de grandes distances, ont nécessairement altéré ou même bouleversé l’échelle des climats aquatiques. C’est à cette cause, la modification de température, que les deux naturalistes anglais, le docteur Carpenter et le professeur Wyville Thomson, attribuent surtout la destruction ou le déplacement de l’ancienne faune marine. Les révolutions dans la condition thermale des eaux ont-elles été brusques, rapides, considérables, elles ont amené dans ces mêmes zones l’extinction d’un grand nombre d’habitans, tandis que d’autres espèces vivantes émigraient à la recherche d’un climat qui leur fût plus favorable. De là des colonies qu’on retrouve encore aujourd’hui dans les mers, qui ont été autrefois peuplées par des êtres dont la patrie avait été supprimée[1]. Dans le cas contraire, celui où de tels changemens se montraient lents, graduels, successifs, la plus grande partie des types constituant la faune indigène des provinces envahies réussissait à s’accommoder aux nouveaux milieux. Il ne faut pas perdre de vue que les animaux inférieurs, se retrouvant très loin de nous dans l’ordre des temps, sont capables de vivre sous l’empire de circonstances très variées en ce qui concerne la lumière, la température et la pression des eaux. Les grands bouleversemens dans les lois de la nature qui ont atteint et détruit les colosses du règne animal, les Titans des anciens mondes, ont épargné les humbles, ceux dont le type flexible se prêtait mieux que d’autres aux conditions plus ou moins modifiées de l’existence. On croyait généralement que chaque période géologique avait été close par l’élévation du lit des anciennes mers et par la consolidation des dépôts de matière vivante en terres. sèches qui couvrent aujourd’hui la surface de l’Europe. Arrachant leur secret aux muettes profondeurs de l’abîme, les dragages ont démontré qu’il n’en était point ainsi. Grâce à quelques légères concessions de forme, beaucoup d’espèces marines ont trouvé le moyen de se perpétuer à travers les

  1. C’est ainsi qu’après le soulèvement des masses de craie et l’affaissement graduel du lit moderne de l’Atlantique certains types, des mers crétacées ont pu se répandre dans d’autres mers où ils ont rencontra des conditions, suffisantes pour vivre et où ils furent atteints en 1869 par les dragues de l’Eclair.