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désolation. C’est un domaine bien administré suivant les règles précises que dictent les nécessités d’une exploitation rationnelle. Tous les ayant-droit s’en occupent régulièrement et le produit en est aussi élevé que celui des propriétés particulières ; car les terres cultivées de l’allmend peuvent se louer 250 à 300 francs l’hectare. Ce domaine fournit à ceux qui en ont l’usage de quoi satisfaire aux premiers besoins de la vie, — de la tourbe ou du bois de chauffage pour le foyer, du bois de construction pour faire ou pour réparer le chalet et pour confectionner les meubles, les outils, les instrumens aratoires, c’est-à-dire le logement et l’ameublement, — un pâturage d’été pour les moutons et les vaches qui donnent le lait, le beurre, la viande, la laine, c’est-à-dire la nourriture animale et le vêtement, — enfin un coin de terre labourable qui fournit du blé, des pommes de terre et des légumes. Dans beaucoup de villages, la part de terre cultivée qui revient à chaque famille est abondamment fumée et traitée en jardin maraîcher ; elle suffit pour fournir largement à la partie végétale de l’alimentation. A Stanz, chaque usager a droit à 1400 klafter, qui font 45 ares ou plus d’une acre anglaise. Dans le canton de Saint-Gall, le village de Buchs donne à chacun de ses cultivateurs partiaires 1,500 klafter ou environ un demi-hectare d’excellente terre, du bois de quoi se chauffer toute l’année, des alpes pour un nombreux bétail, et il tire encore de ses biens communaux un revenu suffisant pour entretenir le maître d’école, le pasteur, et pour subvenir sans impôt aux autres dépenses publiques. A Wartau, également dans l’Oberland de Saint-Gall, chaque usager reçoit 2,500 klafter ou 80 ares.

Pour avoir droit à une part de jouissance du domaine communal, il ne suffit pas d’être habitant de la commune, ni même d’y exercer le droit de bourgeoisie politique, il faut descendre d’une famille qui avait ce droit depuis un temps immémorial ou tout au moins dès avant le commencement de ce siècle. C’est l’hérédité collective basée sur l’hérédité dans la famille, c’est-à-dire que la descendance dans la famille usagère donne droit à une part de l’héritage collectif. En principe, c’est l’association des descendans des anciens occupans de la marche qui jouit de ce qui en subsiste encore. Dans un même village, on trouve ainsi, à côté du groupe des usagers, des habitans qui ne profitent d’aucun des avantages qui améliorent si notablement la position des premiers. Les Beisassen, les simples « résidans, » comme on les appelle, se sont souvent plaints de cette inégalité, et il en est résulté des luttes très violentes entre les réformateurs radicaux, qui réclamaient droit égal pour tous, et les conservateurs, qui prétendaient maintenir les anciennes exclusions. Même dans ces cantons, où règne la démocratie la plus égalitaire qui ait jamais existé, il y a donc place pour la lutte