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près ce que l’on a fait dans le canton de Glaris, qui nous offre le type du second système de jouissance.

Parmi les cantons primitifs, Glaris est celui qui s’est le plus éloigné des anciens modes de partage. Le produit de la plus grande partie des biens communaux, au lieu d’être réparti directement entre les habitans, sert à couvrir les dépenses d’intérêt communal. Ici il n’y a plus trace de l’ancienne marche comprenant tout le pays. Ce qui reste du domaine collectif est devenu propriété des communes qui ont pris leur plein développement. Ces communes ne possèdent plus beaucoup d’alpes ; jadis, à la suite d’une grande calamité qui avait ruiné le pays, on les a presque toutes vendues. Aujourd’hui les alpes communales sont louées aux enchères pour un certain nombre d’années, et, ce qui est tout à fait contraire aux principes anciens, les étrangers peuvent s’en rendre adjudicataires aussi bien que les bourgeois. Le produit de la location alimente la caisse communale. Jadis les locataires devaient livrer chaque année une certains quantité de beurre (Anken), qui était distribué entre les usagers ; les fiancés recevaient aussi de la commune un chamois pour le repas de noces. Maintenant le chamois est rare, et le beurre s’exporte au loin, au lieu d’être distribué entre les habitans. Quelques communes vendent aussi en vente publique la coupe de leurs forêts. D’autres la répartissent entre les usagers, moyennant une certaine rétribution. Les feuilles sèches pour litières sont également réparties ; on tire au sort les lots où chacun va au jour fixé en ramasser le plus qu’il peut. Comme les forêts où il est permis de les prendre sont d’ordinaire situées sur les pentes les plus abruptes, il arrive parfois que des malheureux se tuent en tombant de ces hauteurs vertigineuses.

Ce qui est digne d’attention dans Glaris, c’est le soin que les communes ont pris de conserver une étendue suffisante de terres cultivées pour les distribuer entre les usagers. Si le nombre des habitans augmente ou si quelques parcelles ont été vendues à des fabriques ou à des particuliers comme terrains à bâtir, la commune achète de la terre, afin que la part de chaque famille reste la même. Une veuve, des enfans sans parens demeurant ensemble, même un fils ou une fille majeure, pourvu qu’ils aient eu « feu et lumière » dans la commune durant l’année, peuvent réclamer une part. Ces parts varient de 10 à 30 ares suivant l’étendue du fonds communal. Chacun garde la sienne pendant dix, vingt ou trente ans ; au bout de cette période, les lots sont reformés, remesurés et tirés au sort. Chacun fait de son lot ce qu’il veut ; il y cultive ce qui lui convient. Il peut même le louer ou le laisser à la commune, qui lui en paie la rente. Ces parcelles, situées à proximité des habitations, sont admirablement traitées. Ce sont de véritables jardins ; ils se