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puis elle devient blanchâtre, enfin un nuage blanc prend naissance. Les parcelles qui constituent ce nuage sont encore individuellement invisibles, même avec de forts microscopes, et cependant elles sont infiniment plus grosses que les atomes primitifs auxquels était dû le bleu de firmament qui s’est montré tout d’abord dans le récipient. On passe, dans cette expérience, avec une continuité parfaite, de l’atome libre de soufre séparé de l’atome d’oxygène par les ondes de l’éther, à une masse qui tombe sous les sens ; mais, si cette masse est composée de molécules libres qui défient les plus puissans grossissemens, que devaient être les parcelles qui ont engendré ces molécules elles-mêmes !

Un dernier fait d’un autre ordre complétera ces preuves de la petitesse des élémens matériels, lorsqu’on verse dans une solution limpide de sulfate de potasse une solution également claire de sulfate d’alumine, le mélange se trouble aussitôt, et au bout de quelques secondes on voit apparaître dans la liqueur des myriades de petits cristaux scintillans comme des diamans, et qui ne sont autre chose que des cristaux d’alun. Si l’on suppose le diamètre de ces cristaux égal à 1 millimètre, il résultera de cette expérience que dans l’espace de quelques secondes il a pu se produire des cristaux contenant des milliards de molécules composées chacune de quatre-vingt-quatorze atomes et groupées avec une admirable harmonie. Les mouvemens des atomes chimiques se font sous l’influence des mêmes forces que les mouvemens des énormes agglomérations atomiques qu’on appelle des astres. La révolution d’un soleil autour d’un autre soleil dure mille ans, tandis que les atomes en voie de combinaison en exécutent des centaines de millions dans la millionième partie d’une seconde.

M. Thomson est arrivé, par des considérations et des calculs variés et délicats, à reconnaître que, dans les liquides et les solides transparens ou translucides, la distance moyenne des centres de deux atomes contigus est comprise entre un dix-millionième et un deux-cent-millionième de millimètre. Il est difficile de se représenter exactement d’aussi petites dimensions dont rien, parmi les objets qui affectent notre sensibilité, ne saurait nous donner une idée. M. Thomson pense que la comparaison suivante peut servir à les apprécier. Si l’on se figure une sphère du volume d’un pois grossie presqu’à égaler le volume de la terre, et les atomes de cette sphère grossis dans la même proportion, ceux-ci auront alors un diamètre supérieur à celui d’un grain de plomb et inférieur à celui d’une orange. En d’autres termes, un atome est à une sphère de la dimension d’un pois ce qu’une pomme est au globe terrestre. Par des argumens tout différens, les uns tirés de l’étude des molécules