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constitués d’une même matière, distinguée seulement par la nature des mouvemens. qui l’animent. Cette parole si nette, un grand nombre de savans et de philosophes en France et à l’étranger l’ont répétée et la répètent encore, avec raison, comme l’expression d’une vérité solide.

Si les plus petites parties que nous puissions concevoir et distinguer dans les corps ne diffèrent les unes des autres que par la nature des mouvemens auxquels elles sont soumises, si le mouvement seul règle et détermine la variété des attributs divers qui caractérise ces atomes, si en un mot l’unité de matière existe, — et il faut qu’elle existe, — qu’est-ce que cette matière fondamentale et première, d’où procèdent toutes les autres ? Comment nous la représenter ? Tout porte à croire qu’elle ne se distingue pas essentiellement de l’éther, qu’elle consiste en atomes d’éther plus ou moins fortement agrégés. On objecte que l’éther est impondérable ; mais c’est là une objection sans fondement. Sans doute on ne peut pas le peser : pour cela, il faudrait comparer un espace plein d’éther avec un espace vide d’éther ; or nous sommes dans une manifeste impuissance d’isoler ce subtil agent, dont les atomes s’entre-équilibrent avec une parfaite égalité dans tout l’univers. Beaucoup de faits cependant en attestent la prodigieuse élasticité. La foudre qui éclate n’est pas autre chose qu’une perturbation dans l’équilibre de l’éther, et qui oserait prétendre que la foudre n’accomplit pas un travail énorme ? Quoi qu’il en soit, il est impossible de concevoir les énergies qui constituent l’atome autrement que comme de la force pure, et l’éther lui-même, dont la physique tout entière démontre indubitablement l’existence, ne peut pas être défini autrement que par les attributs de la force[1]. Il en résulte que les atomes, dernière conclusion de la chimie, et l’éther, dernière conclusion de la physique, sont substantiellement similaires, bien, que constituant deux degrés distincts, deux valeurs inégales de la même activité originelle. Toutes ces énergies physico-chimiques aussi bien que les énergies analogues de la vie n’apparaissent à nous, à de rares exceptions près, que revêtues de cet uniforme qu’on appelle la matière. One seule de ces énergies se montre dépouillée de ce vêtement et nue. Elle domine toutes les autres, parce qu’elle les connaît toutes, sans que celles-ci le sachent. Elle n’est pas seulement puissance, mais encore conscience. C’est l’âme. Comment la définir autrement que la force en sa plus pure essence,

  1. « Toute théorie mise à part, il serait difficile de trouver dans tous ces mots, dilatation, propagation, radiation, vibration, réflexion, réfraction, attraction, répulsion, polarisation, etc., autre chose que des phénomènes de mouvement. » Ch. de Rémusat, Essais de philosophie, 1842, t. II, De la Matière.