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telle qu’il l’entendait. La lutte était engagée, elle aboutissait promptement à ce rapport d’une commission parlementaire qui traçait le programme de ce qu’on appelait le « gouvernement de combat, » et au vote du 29 novembre, où le gouvernement, tout en gardant encore une majorité, se voyait à la merci de quelques voix. Un pas de plus, la scission était complète entre toutes les nuances conservatrices et le président de la république ; d’un instant à l’autre, M. Thiers, pouvait se trouver conduit à se retirer ou à devenir ce qu’il ne voulait pas être, un gouvernement de parti, non plus avec la droite, mais avec la gauche. Au fond, dans les rangs des conservateurs aussi bien que dans les conseils du gouvernement, on sentait le danger d’une rupture. Si certains groupes de la droite se montraient déjà implacables, décidés à tout, le centre droit hésitait devant l’extrémité d’une lutte systématique, à outrance, contre un gouvernement popularisé par ses services ; il voulait bien frapper un cabinet, essayer de faire prévaloir une politique nouvelle en se servant du principe de la responsabilité ministérielle, il évitait de prendre une attitude d’hostilité irréconciliable vis-à-vis du président de la république. M. Thiers de son côté, après avoir donné à la gauche cette grande satisfaction de se prononcer pour la république, comprenait bien qu’il ne pouvait pas rompre entièrement avec les fractions les plus modérées de la droite. Le vote du 29 novembre avait prouvé qu’on avait besoin les uns des autres. Le résultat était une sorte de rapprochement négocié et scellé non sans peine, non sans effort, non sans bien des froissemens intimes, dans la commission des trente issue du vote qui avait partagé l’assemblée en deux camps. De part et d’autre, on se faisait des sacrifices. M. Thiers, dont l’intervention incessante, personnelle, dans les débats parlementaires, était un perpétuel sujet d’ombrage, M. Thiers consentait à se laisser lier par un cérémonial étrangement minutieux, assez puéril, qui choquait son bon sens, auquel il se résignait néanmoins pour un bien de paix. La commission de son côté acceptait à demi un programme de lois organiques proposé par le gouvernement. — La loi sortie de ces pénibles délibérations était certes une œuvre confuse, elle avait cependant un mérite : en laissant le gouvernement chargé de préparer et de présenter les lois acceptées en principe sur les attributions et la transmission des pouvoirs publics, sur l’organisation d’une seconde chambre et sur la réforme électorale, elle créait un terrain sur lequel on pouvait s’entendre, et par le fait, entre la majorité conservatrice et le gouvernement, les rapports semblaient s’être adoucis. Cette rupture avec les radicaux qu’on avait si souvent demandée, M. Dufaure l’accomplissait assez rudement dans la discussion engagée au sujet des pétitions qui demandaient la dissolution de l’assemblée. M. Dufaure traitait M. Gambetta sans ménagement. Conservateurs et gouvernement se retrouvaient d’accord dans le vote de la loi sur une organisation nouvelle de la municipalité lyonnaise. Il y avait sans doute