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faste. Les bonapartistes, qui croient voir un succès personnel dans son avènement, oublient un temps qui doit être connu d’eux, où l’on ne parlait pas beaucoup, où ce qui se disait dans les conseils transpirait encore moins, et où seul dans le sénat le général de Mac-Mahon parlait et votait contre la loi de sûreté générale au mois de février 1858. « Je me rappelle, disait-il, l’adage de nos pères : fais ce que dois, advienne que pourra. Sur ma conscience, je crois cette loi inconstitutionnelle, susceptible de conséquences fâcheuses… En honnête homme qui a juré obéissance à la constitution, en homme indépendant, en qualité de législateur, je me crois obligé de voter contre… » Il admettait des lois sévères s’il le fallait, point d’arbitraire. L’homme qu’un de ses compagnons d’armes cherchait à retenir au moment de ce discours en lui disant qu’il allait laisser son bâton de maréchal sur la tribune, et qui pouvait parler ainsi dans le sénat de 1858, cet homme ne peut faire courir à son pays les aventures du césarisme et de l’arbitraire. Celui qui invoquait les principes de 1789, les lois contre l’empire, ne peut les oublier ni au profit de l’empire ni au profit d’un autre régime qui les méconnaîtrait. Par l’inspiration du bon sens autant que par loyauté et par patriotisme, il est le premier serviteur de la loi et de la France, Voilà pourquoi le nom du maréchal devenu chef du pouvoir exécutif a été reçu avec sympathie. D’ailleurs le président du 24 mai aurait déjà montré que, sans avoir été mêlé à la politique jusqu’ici, il a un guide éclairé dans son jugement ; il aurait eu, dit-on, son opinion sur la distribution des portefeuilles dans le cabinet qu’il a formé, et il aurait tenu à éviter de placer au ministère de l’intérieur des hommes dont le nom pourrait donner au gouvernement nouveau la signification d’un gouvernement de réaction ou de combat. C’est ainsi que M. Beulé se serait trouvé ministre de l’intérieur, parce que quelques-uns de ses collègues n’auraient pu l’être sans donner une couleur trop marquée à la politique du cabinet.

Tout indique donc que, s’il y a eu une révolution, cette révolution garde un sens déterminé et trouve ses limites pour ainsi dire dans les conditions faites à la France depuis deux ans. L’ordre du jour motivé, qui est devenu le programme des récentes transformations, portait que la forme de gouvernement était hors de discussion, et que l’assemblée restait saisie des projets constitutionnels qui lui ont été présentés. Une des premières paroles du maréchal de Mac-Mahon a été pour déclarer que rien n’était changé dans les institutions. Avant même que le nouveau chef du pouvoir exécutif eût été nommé, le président de l’assemblée, M. Buffet, posait la question de la manière la plus précise. « Je dois faire remarquer, disait-il, qu’il ne s’agit d’adopter aucune modification dans les lois et dans les institutions existantes. Le président de la république qui sera élu en remplacement de M. Thiers se trouvera exactement dans les conditions légales et constitutionnelles où se trouvait