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solder les dépenses navales et à soudoyer les bandes mercenaires qui comprimèrent si rapidement en 1824 la révolte des primats. La Morée n’avait point eu de part à la distribution des guinées anglaises ; les soldats rouméliotes opposés par Coletti aux troupes dissidentes s’étaient conduits dans la péninsule comme ils auraient pu le faire en pays conquis. Il n’y aurait certes point eu lieu de s’étonner si les Moréotes, soumis en apparence, eussent gardé au fond du cœur quelque ressentiment de procédés non moins blessans pour leurs intérêts que pour leur orgueil.

Ce ne fut cependant qu’après le débarquement d’Ibrahim et la campagne peu brillante dirigée par le président Condouriotti en personne sur les derrières de l’armée égyptienne que l’on vit s’aggraver d’une façon très sensible le désaccord qui n’avait jamais cessé d’exister entre les Péloponésiens, les Rouméliotes et les insulaires. Partout où des partis se forment, il n’est pas rare de les voir chercher un appui étranger les uns contre les autres. Au mois de mai 1824, il prit fantaisie aux Grecs de se choisir un roi. On les avait avertis à Vérone du. danger qu’il y aurait pour eux à s’en tenir à la forme républicaine. Ils commencèrent à bégayer les mots de constitution, de monarchie. Quelques noms de princes furent mis en avant. La Grèce n’offrait pas de personnalité assez éminente pour qu’on pût se flatter de réunir sur un choix national une masse suffisamment imposante de suffrages. L’Autriche et la Russie n’étaient pas éloignées, disait-on, de s’entendre pour favoriser l’avènement de l’ancien roi de Suède, le colonel Gustavson. Tout à coup un bruit plus sérieux se répand ; cette fois ce serait le comité philhellénique de Paris qui se chargerait, suivant l’expression de l’amiral de Rigny, « de monarchiser la Grèce. » Un agent de ce comité arrive à Nauplie au mois d’avril 1825. L’élection du second fils d’un de nos princes du sang peut compter, suivant lui, sur les secours de la France, sur l’approbation à peu près unanime de l’Europe. La grande majorité du corps législatif saisit avidement ce projet, et sur ce terrain se trouve constitué à l’instant ce qu’on appelle dès lors, en opposition de la tutelle anglaise, le parti français. Les premiers bataillons d’Ibrahim commençaient à descendre dans la plaine d’Argos. Les projets des partis reçoivent de cette apparition une impulsion nouvelle. Les uns, sans plus attendre, veulent proclamer le jeune prince français et arborer le pavillon blanc sur les murs de Nauplie ; les autres demandent avec autant de hâte et autant d’à-propos qu’on y fasse flotter le drapeau britannique. Le hasard amène en ce moment dans le golfe la frégate la Sirène. L’amiral de Rigny est mis au courant des diverses propositions qu’on agite ; nos partisans l’entourent, ils