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croiseurs turcs à se retirer sous le canon du château de Morée. Les assiégés purent alors faire venir des îles ioniennes quelques provisions ; mais les matelots de l’escadre grecque n’avaient reçu en partant d’Hydra qu’un mois de solde ; ce délai expiré, il fut impossible de les retenir plus longtemps. La plaine était praticable, la mer se trouvait libre ; Ibrahim reprit sur-le-champ les opérations interrompues depuis le mois d’octobre.

L’artillerie des Turcs s’élevait à quarante pièces. Ibrahim la partagea en trois batteries qui jetèrent dans Missolonghi 2,000 boulets ou bombes par vingt-quatre heures. Le feu des bastions grecs se ralentissait à vue d’œil ; tout semblait annoncer la position désespérée des assiégés. Cependant, chaque fois qu’un assaut était dirigé contre les remparts, cet assaut n’avait pour résultat que d’énormes pertes. Ibrahim comprit qu’il devait porter ailleurs ses attaques. Le 27 février 1826, il introduisait trente-deux bateaux plats dans la lagune ; le 9 mars, ses troupes prenaient possession de l’îlot de Vasiladi. La résistance de Missolonghi pour cette fois devait bien réellement toucher à son terme. Le lord haut-commissaire des îles ioniennes, sir Frederick Adam, essaya de s’interposer ; les Grecs rejetèrent dédaigneusement ses offres de médiation. Le 6 avril, les pachas résolurent de faire un pas de plus vers la place, du côté du lac. Reschid, avec ses Albanais, se chargea d’enlever l’îlot de Klissowa, banc de sable à demi noyé, distant d’un mille à peine de Missolonghi. Les Albanais échouèrent de nouveau dans cette tentative, qui leur coûta 600 hommes. En voulant les ramener à l’assaut, Reschid lui-même fut blessé à la jambe. Ibrahim railla sans pitié l’échec de son compagnon, a le vais faire marcher mes Arabes, dit-il à Reschid ; vous verrez comme ils emporteront cette ville. » Il donna aussitôt l’ordre à deux bataillons de marcher, à Hussein-Bey de se mettre à leur tête, — ce même Hussein-Bey qui avait reconquis Candie, Caxos, pris Sphactérie, Vasiladi et Anatolikon. Pouvait-il manquer de prendre Klissowa ? Les Arabes cependant ne réussirent pas mieux que les Albanais. Ils perdirent 800 hommes, et Hussein-Bey, mortellement atteint, tomba au milieu de ses troupes, frappé d’une balle au front. Il ne restait plus, après ces échecs successifs, qu’un parti à prendre. Il fallait resserrer encore le blocus de Missolonghi et réduire par la famine une place si bien défendue. La question se trouvait donc portée sur un terrain où les Grecs avaient eu jusqu’alors l’avantage. Malheureusement les flottes ottomanes, après cinq années de lutte, s’étaient aguerries ; le produit des impôts était nul, l’emprunt anglais toujours insuffisant, et les flottes grecques, ne pouvant plus vivre que du pillage des neutres, erraient des côtes de Syrie aux rivages du Péloponèse, complètement désorganisées. Le