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qu’elle était tout à l’heure au combat, et maintenant elle s’arrête, la tête penchée, les bras pendans, le torse droit et un peu cambré, dans une attitude d’accablement viril, devant le tombeau des compagnons morts au champ d’honneur. Malgré certaines imperfections du coulage, qui gâtent un peu l’œuvre de l’artiste, cette figure est d’une exécution large, simple, pleine, sobre de détails inutiles, visant surtout à l’unité de l’effet. Seulement les accessoires ne sont pas tous irréprochables ; ce type de la femme guerrière a toujours Quelque chose de scabreux, et les formes féminines s’accordent mal avec l’attirail d’une armure de fer. Malgré la structure forte et presque un peu rustique de sa Garde mobile, malgré la simple gravité de son expression, M. Valette n’a pu éviter entièrement ce qu’il y a de choquant dans ce contraste, d’autant plus que le voile jeté sur la tête affaiblit l’effet martial de la figure, et lui rend son caractère féminin. Il y a là une faute de goût plus facile à critiquer qu’à éviter, et qui tenait en grande partie au sujet lui-même.

C’est au contraire une sculpture aimable, élégante et un peu mièvre que celle de M. Franceschi. Cet artiste distingué va nous introduire dans ce que j’appellerai le genre des gentillesses féminines. Le Réveil est une jolie statue taillée par malheur dans un marbre à gros grain et à veines sales, ce qui est impardonnable dans un pareil sujet. Une jeune fille à demi couchée et cambrée sur une chaise fort incommode se réveille en étirant ses bras, dont l’un entoure sa tête d’un geste souple et gracieux. On ne sait trop d’ailleurs à quoi rime cet ouvrage distingué, dont le mouvement et la posture semblent être la contre-partie de la Pénélope de Cave-lier. Nous lui préférons de beaucoup le portrait de Mlle F. B…, un délicieux buste d’un caractère très individuel, dans le style coquet du XVIIIe siècle. D’un socle léger et d’une draperie flottante qui glisse capricieusement sur la gorge et sur les épaules sort une tête de jeune fille à la souple et fine encolure, au profil délicat, à l’ovale mince et pur, au nez mutin et coquet, aux narines dilatées, à la bouche légèrement entr’ouverte, au front net et emprisonné dans une coiffure à légers frisons, relevée de chaque côté sur les tempes. Ce visage juvénile et effilé a une légère tendance à converger vers la bouche, qui s’avance avec une petite moue charmante. En fait de jolies mièvreries, rien ne vaut la nature elle-même.

M. Schœnewerk, un des maîtres du genre, est comme de coutume un des favoris du public. Sa Jeune Fille à la fontaine est en effet un très joli morceau de nudité, frais, appétissant, coquet et légèrement mignard. L’enfant se courbe en avant, les deux jambes jointes, la tête un peu renversée de côté, considérant l’eau qui coule de la fontaine, et qu’elle recueille dans une coquille qu’elle tient de ses deux bras allongés. Sa gorge mignonne dessine