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Paris n’était pas un Napoléon, il y mettait la meilleure volonté, il avait de la peine à contenir un certain antagonisme de situation entre le général Ducrot, qui avait sa confiance, dont il avait fait son collaborateur de prédilection en lui donnant le commandement supérieur des deux corps d’armée dont il disposait, et le général Vinoy, solide et brave soldat, habitué à faire son devoir, mais visiblement aigri, blessé de se voir subordonné à un autre chef, et même tenu un peu à l’écart des conseils militaires. D’extrêmes ménagemens étaient nécessaires, de sorte que le général Trochu se trouvait en définitive aux prises avec toutes les difficultés qu’il rencontrait autour de lui, sans parler des difficultés qui lui venaient de lui-même, d’un esprit à la fois opiniâtre et subtil, de certaines idées préconçues, d’une certaine inexpérience en face d’événemens auxquels il était peu préparé, qui dépassaient toute mesure. Et maintenant, cela dit, les faits se déduisent en quelque sorte de ces conditions premières d’un siège où tout se mêle, la guerre et la politique, où l’effort intérieur de la ville assiégée peut en outre dépendre à chaque instant du plus redoutable imprévu, d’une capitulation de Metz éclatant tout à coup, d’une négociation diplomatique dont on ne se rend pas compte, d’un ensemble d’opérations extérieures qui devraient se combiner avec la défense, et qu’on ne connaît pas ou qu’on connaît mal ; le nœud des événemens est là tout entier.


II

La première question, la plus obscure peut-être, c’est le travail de défense militaire, qui avait commencé par une déception le 19 septembre. Ému de l’affaire de Châtillon, partageant sur le moment l’impression presque fébrile de la population, le général Trochu s’était un peu hâté d’abandonner toutes les positions extérieures et de ramener tout ce qu’il avait de troupes, non pas même sous le canon des forts, mais à l’abri de l’enceinte, comme s’il n’y avait eu qu’à se mettre en devoir d’attendre l’assaut. Il s’apercevait bien vite qu’on n’en était pas là et le premier moment passé, puisque l’ennemi ne paraissait nullement vouloir sortir de ses lignes pour tenter une attaque de vive force, puisqu’on se trouvait rejeté d’un seul coup dans la ville après avoir vainement essayé d’empêcher l’investissement, le général Trochu se disait qu’il n’y avait plus qu’à bénéficier de cette situation pour développer l’appareil défensif de la place et reconstituer une armée qui venait de montrer sa faiblesse. Il fallait faire de nouveaux régimens, raffermir ceux qui existaient, instruire les mobiles, essayer d’organiser cette