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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin 1873.

Il y a quelque chose comme trois semaines déjà qu’un mouvement politique équivalent presque à une révolution s’est accompli entre le matin et le soir d’un jour du mois de mai. Il n’a changé ni les institutions, ni le cadre de la vie publique française, ni la nature des pouvoirs, ni même le nom de ces pouvoirs et du régime que les événemens nous ont fait. Il a mis un président de la république à la place d’un président de la république, des ministres nouveaux à la place des ministres anciens, et, par une conséquence heureuse d’une paix intérieure patiemment reconquise depuis deux ans sur la confusion et le désordre, tout s’est réalisé non pas sans bruit, non pas sans une certaine tension d’un moment, mais sans secousse violente, sans agitation et sans trop de danger. Il faut rendre cette justice à tout le monde que, la situation étant donnée, on a fait ce qu’on a pu pour éviter d’envenimer une crise dont on sentait la gravité. Ce n’est pas le chef du dernier gouvernement qui a cherché à embarrasser ses adversaires, ses successeurs, en essayant de retenir ou de disputer un pouvoir dont il ne s’est servi que pour rendre la paix et l’ordre à la France. Les vainqueurs du 24 mai, de leur côté, ont certainement mis du zèle à désarmer les défiances, à rassurer sur le caractère et les suites de l’événement qui les portait aux affaires ; ils se sont empressés de désavouer toute pensée de coup d’état ou de coup de tête en renouvelant sous toutes les formes cette déclaration, que rien n’était changé dans les institutions. Les partis, à leur tour, sauf les tirailleurs d’avant-garde et les irréguliers, les partis ont tout d’abord émoussé quelque peu leurs violences et leurs colères. Dans l’assemblée, le premier moment a été à la satisfaction intime du succès chez les victorieux, à la surprise, à l’attente et au recueillement chez les vaincus. Quant au pays, il a vu le spectacle de loin et d’un œil tranquille ; il a connu le dénoûment presque aussitôt que la crise, il s’est calmé avant d’avoir eu le temps de s’émouvoir sérieusement, et en définitive tout s’est passé mieux qu’on ne l’aurait cru, mieux qu’on ne