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rale ? comment l’entend-on et comment doit-elle être organisée ? On s’occupera de cela plus tard. Le remède, à la vérité, n’est point infaillible, à ce qu’il paraît, puisque la réunion de l’assemblée nouvelle a été le signal de la plus étrange crise de pouvoir, qui n’est pas encore finie. S’il y avait de fréquentes crises ministérielles sous la monarchie au-delà des Pyrénées, la république ne semble pas devoir déroger aux traditions de la royauté. La première de toutes les difficultés a été de former un pouvoir exécutif, un cabinet.

On avait d’abord songé à maintenir l’ancien gouvernement, celui qui succédait il y a cinq mois au roi Amédée, et qui a régné depuis sous la présidence de M. Figueras ; mais le gouvernement, après avoir remis ses pouvoirs aux cortès, s’est retiré, et M. Pi y Margall est resté chargé de composer un cabinet. M. Pi y Margall y a mis la meilleure volonté : il a choisi le dessus du panier dans la « nouvelle couche sociale » de l’Espagne, et malgré tout son ministère n’a pas eu même un jour d’existence. Alors on s’est retourné vers l’ancien gouvernement, vers le triumvirat Figueras-Castelar-Pi y Margall, à qui on a demandé de rester ou de rentrer au pouvoir. Les ministres démissionnaires ont consenti à reprendre leurs portefeuilles. Malheureusement la combinaison n’est pas allée bien loin ; elle s’est évanouie presque aussitôt, et de nouveau M. Pi y Margall est resté désigné comme président du conseil ; seulement cette fois l’assemblée a voulu faire la besogne en règle : elle a élu les ministres au scrutin. Pour le coup, M. Figueras, fatigué de tous ces changemens, s’est empressé de prendre un passeport et de quitter Madrid. M. Castelar, lui aussi, est parti de son côté. Ces deux républicains distingués en ont eu assez. M. Pi y Margall, jusqu’à nouvel ordre, demeure donc seul avec les collègues, parfaitement inconnus, qui lui ont été donnés, et qui, pour commencer, ont à choisir entre un emprunt forcé et une émission de papier-monnaie, s’ils veulent avoir des ressources pour vivre. Notez que dans ces cortès nées d’hier il y a déjà une droite et une gauche, une majorité et les intraitables, les irréconciliables qui s’appellent les intransigens en Espagne. De temps à autre, le populaire se met aussi de la partie. Ces jours derniers, pendant que se déroulait la crise de gouvernement et que les cortès tenaient des séances de nuit, les partisans des uns et des autres prenaient les armes, occupaient les points stratégiques de Madrid, et on a été tout près d’en venir aux mains. On aurait été bien embarrassé pour trouver les moyens de maintenir ou de rétablir l’ordre. Les soldats étaient en partie mêlés à la foule. N’importe, c’est la république fédérale : il n’y a plus rien après cela. La république fédérale, les dépêches officielles l’assurent, a été accueillie dans toute l’Espagne avec le plus grand enthousiasme. L’ordre le plus complet règne partout, — bien entendu, partout où ne règnent pas les carlistes, qui ont leur police à eux, leur manière de maintenir l’ordre, de lever des contributions, et qui font même des traités avec les compa-