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avoir tenté le suprême effort, parce qu’il fallait tirer ce dernier coup de canon qui, selon le mot du bailli de Suffren rappelé par le général Trochu, peut tuer l’ennemi. Cette bataille nécessaire et désespérée, on ne savait pas même d’abord où la livrer. La première pensée avait été de diriger l’action sur Châtillon. C’était le général Vinoy qui devait entreprendre cette grosse affaire avec des forces assez considérables en troupes régulières et en garde nationale.

Assurément, si on pouvait réussir à reprendre aux derniers jours du siège ce qu’on avait été obligé d’abandonner dès la première heure, le 19 septembre, si on se sentait en mesure d’enlever les hauteurs de Châtillon et de Clamart, on ne pouvait faire mieux. D’un seul coup, on éloignait le bombardement de Paris, on se trouvait sur la ligne des communications prussiennes, on menaçait de tourner Versailles. C’eût été trop beau! Il faut l’avouer, c’était une illusion singulière de prétendre trouver l’ennemi en défaut dans de formidables retranchemens où était en quelque sorte la clé de l’investissement. Comment aborder Châtillon? Pour tenter une attaque de nuit, il aurait fallu des troupes solides, aguerries, à l’épreuve de toutes les paniques. Si c’était une bataille de jour, le terrain manquait pour déployer les forces nécessaires; à mesure que les troupes se masseraient dans la petite plaine qui sépare le rempart de Châtillon, elles seraient foudroyées ou courraient le risque d’une affreuse déroute avant d’avoir engagé le combat. Aussitôt que le général Vinoy communiquait ce plan aux chefs militaires appelés à le seconder, l’un d’eux, le général de Maussion, qui commandait un corps de la deuxième armée détaché au sud pour la circonstance, témoignait la plus vive répugnance à prendre un rôle dans une opération absolument irréalisable à ses yeux. On était déjà au 6 janvier. Le lendemain, on se réunissait en grand conseil au Louvre. Le général Trochu insistait sur l’attaque de Châtillon, interpellant vivement le général de Maussion. Celui-ci n’hésitait pas à maintenir son opinion, déclarant au surplus qu’il était prêt à obéir, mais qu’il voulait avant tout dégager sa responsabilité dans une affaire qui ne pouvait conduire qu’à un désastre. C’était, à vrai dire, le sentiment de tout le monde. Sur vingt-huit généraux, un seul tenait encore pour Châtillon. De quel côté cependant diriger l’attaque, si on jugeait l’entreprise sur Châtillon impossible? Un des plus habiles divisionnaires de l’armée de Paris, le général Berthaut, se hasardait alors à proposer de tenter le mouvement par le massif de l’ouest, par Montretout, Garches, Buzenval. Là du moins le Mont-Valérien pouvait protéger la marche en avant ou couvrir une retraite. Aventure pour aventure, celle de Buzenval semblait offrir plus d’avantages ou moins d’impossibilités que celle de Châtillon, et on se ralliait à