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l’Asie-Mineure, pendant les cinq siècles qu’a duré la domination des Pharaons en Mésopotamie. Si, dès la XXe dynastie, l’autorité des rois d’Égypte n’y fut plus guère que nominale, surtout à Babylone, il n’en fut pas ainsi de ceux de la XVIIIe et de la XIXe dynastie. Les derniers princes de l’ancien empire de Chaldée ont su de quel poids pesait sur la nuque d’un vassal la sandale d’un Thothmès Ier et d’un Thothmès III. Quelque original qu’ait été le développement postérieur de l’art assyrien, il est incontestable que, pendant la période assez longue dont nous parlons, le contact d’un art et d’une civilisation supérieurs n’a pas dû rester infécond. Si la magnifique floraison de l’art et de la civilisation des Assyriens a ses racines les plus profondes dans l’antique Chaldée, l’Égypte a eu pourtant son heure d’influence. On le voit bien, entre autres monumens, dans les précieux vases de bronze ciselés exhumés des palais assyriens[1].

Dès le XVIIe siècle, les décorations du tombeau de Rekhmara, à Thèbes, nous montrent les chefs des peuples des îles de la mer venant, avec les Phéniciens, offrir des présens à Thothmès III. Ces présens attestent que l’art de la céramique et le travail des métaux étaient assez avancés chez ces peuples[2]. Au XIVe siècle, les populations de l’Asie-Mineure s’unirent avec celles de l’Asie occidentale : les noms des peuples de la Mysie, de l’Ionie ou Mæonie, de la Lycie et de la Dardanie, ont été lus sur les monumens égyptiens parmi ceux des nations dont triompha Ramsès II, le Sésostris d’Hérodote. Une nouvelle invasion, sous la conduite des Libyens, eut lieu dès les premières années du règne de Meneptah. Les Achéens, les Tyrrhéniens, ancêtres des Étrusques, population pélasgique alors établie dans la vallée du Kaystros, paraissent cette fois à côté des Lyciens dans l’inscription du monument de Karnak. Enfin, à la veille du XIIIe siècle, sous Ramsès III, c’est par terre et par mer que les Teucriens, venus du pays troyen, et les Pélasges des îles avec les Danaëns, attaquent le vieil empire de la vallée du Nil.

Ces barques terminées à l’avant par de longs cous d’oiseau, qu’on voit sur les bas-reliefs égyptiens, ressemblent beaucoup sans doute à celles qui conduisirent trois siècles plus tard sur les rivages de Troie les Argiens, les Achéens et les Danaëns. On devait aussi rencontrer dans les campagnes de la Troade ces lourds chariots à roues pleines, attelés de bœufs, qui, comme ceux des Cimbres et des Teutons, traînent à la suite de l’armée les femmes et les enfans.

  1. Layard, Nineveh and Babylon, ch. VIII ; Monum. of Nineveh, 2e sér.
  2. Willanson, Manners and customs of the ancient Egyptians, I, pl. IV. — M. de Longpérier a remarqué que les formes et les ornemens de ces beaux vases, qui n’ont jamais été employés par les Égyptiens, sont précisément ceux que les Grecs ont adoptés plus tard, et qu’on a retrouvés dans les fouilles de Santorin et de Milo.