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portans pour l’art comme pour la science, de la glyptique et de la numismatique. On chercherait à restituer ainsi, par la réunion d’œuvres de tout genre qui s’éclaireraient les unes les autres, la physionomie, au point de vue de l’art, de chaque époque et de chaque région de l’antiquité.

Ce n’est pas tout. Fût-il possible de réaliser la réunion en un seul lieu de tous les monumens antiques qu’il importerait d’étudier et de comparer entre eux, ce musée universel offrirait des occasions d’erreur, disons plus, de véritables mensonges dont un musée de plâtres, présentant les mêmes monumens, pourrait facilement être exempt.

Les marbres que renferment les musées sont sortis de la terre très mutilés pour la plupart. Le temps n’a guère épargné que des débris. Or à mesure que ces débris étaient rendus à la lumière, on voulait les faire servir à décorer des palais ou des jardins. Pour les placer dans des salles et des galeries somptueuses ou dans des allées régulières, on croyait devoir les remettre complètement à neuf. De là, bien que les musées possèdent en réalité peu de monumens entiers ou presque entiers, les statues, bustes ou bas-reliefs qui y sont exposés, et dont la plupart y sont venus de villas d’autrefois, semblent presque tous, au premier abord, dans un parfait état de conservation.

Pour restaurer ces débris, on cherchait premièrement en général à les compléter avec d’autres débris; surtout à une statue antique privée de sa tête, on ajustait quelque tête antique qui pouvait à peu près y convenir; ce qui manquait encore, bras, jambes, pieds ou mains, nez, lèvres, oreilles, parties de draperies ou attributs, on chargeait quelque sculpteur d’y suppléer de son ciseau. Et au commencement, alors que les antiques étaient rares encore, on s’adressa plus d’une fois pour ce genre de travail aux statuaires les plus renommés. Un Marsyas, qu’on voit dans la galerie de Florence, fut restauré par Michel-Ange. Lorsqu’on trouva l’Hercule Farnèse, les deux jambes manquaient : on recourut, pour les suppléer, à Guglielmo della Porta. Plus tard les jambes antiques furent retrouvées, et on les mit à la place de celles qu’avait exécutées l’artiste moderne. Il manquait au Laocoon le bras droit : ce fut Baccio Bandinelli qui le refit d’abord, et plus tard Agnolo Montorsoli. Montorsoli encore refit le bras gauche de l’Apollon du Belvédère et restaura en quelques parties l’Hercule auquel on donnait alors par erreur et qui a conservé le nom de Commode. En France, la Diane à la biche fut restaurée par Barthélémy Prieur, la Vénus d’Arles et le Jupiter colossal par Girardon. Le plus souvent les restaurations furent confiées à des artistes d’une moindre valeur ; mais qu’elles fussent exécutées avec plus ou moins de talent, elles eurent presque toujours pour effet d’altérer gravement la physionomie des monumens.

En premier lieu, on a créé de cette façon des représentations propres