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obtint la direction de la mission allemande de 1842 à 1845 en Égypte et en Nubie, expédition productive assurément, et qui lui valut le titre de représentant quasi officiel de l’égyptologie au-delà du Rhin. Quant à la dispendieuse publication prussienne dont ce voyage fournit les matériaux (douze volumes in-folio), ce n’est guère, à proprement parler, qu’un somptueux album de planches sans grande valeur aujourd’hui, parce qu’on ne croit plus qu’à l’estampage et à la photographie. Le Livre des Rois, manuel toujours indispensable, et un certain nombre de bons mémoires surtout archéologiques ont conservé à M. Lepsius le rang qu’il avait conquis par sa première étude; mais celle-ci constitue encore son titre le plus sérieux pour prendre place parmi les successeurs de Champollion. Quant à son système chronologique, il faut bien avouer qu’il n’a été adopté par personne jusqu’à ce jour. M. Lepsius a su du moins former des élèves dont le plus connu est M. Duemichen. L’Italie avait aussi son représentant dans la science nouvelle; mais le mérite de Rosellini se borne à avoir réuni des élémens et publié, avant M. Lepsius, son grand recueil intitulé Monumenti dell’ Egitto e della Nubia et un dictionnaire hiéroglyphique, que les progrès accomplis depuis lors rendent tout à fait insuffisant aujourd’hui.

A l’époque même où M. de Rougé s’annonçait, en 1846, par sa réfutation de l’ouvrage allemand du célèbre Bunsen, qui, fort heureusement pour lui, avait des titres scientifiques plus sérieux que cet écrit, l’Angleterre et l’Allemagne faisaient entrer dans la lice deux jeunes égyptologues : le regrettable Hinks, qui déterminait les valeurs exactes des lettres hiéroglyphiques à l’aide des transcriptions des mots sémitiques, — M. Brugsch, qui préludait à ses immenses travaux d’interprétation par quelques essais heureux, bientôt suivis de sa fameuse Grammaire démotique et de sa Géographie ancienne de l’Egypte. Personne ne comprend et ne traduit les textes avec plus de facilité que M. Brugsch; mais c’est là son principal et presque son seul mérite. Si bien doué pour ce louable et utile labeur, il n’est pas homme à composer une œuvre synthétique de vulgarisation, témoin son Histoire d’Egypte (1859), écrite en français, à ce qu’il croit du moins, et que le défaut d’art et de méthode rend insupportable à la lecture, sans parler de sa chronologie chimérique. Rendons toutefois à M. Brugsch la justice qu’il n’a ni rendue, ni, — il faut le dire, — refusée à M. Mariette, auquel il doit tant, et dont il n’a même pas cité le nom dans son dernier ouvrage, composé depuis les tristes événemens de 1870; M. Brugsch est, jusqu’à cette heure, sans en excepter M. de Rougé lui-même, l’interprète le plus exercé des textes hiéroglyphiques, hiératiques ou démotiques, toujours prêt, toujours prompt à la besogne, suivant la demande, ou la commande ; c’est en un mot un