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cette même année 1850. Quant à l’interprétation de ces monumens et de ces textes, on n’avait encore à cette époque que les écrits de Champollion, la lettre de M. Lepsius à Rosellini, les premiers essais de M. Brugsch, quelques travaux de MM. Hinks et de M. Birch, enfin les applications, déjà si fécondes, que M. de Rougé avait faites des principes posés par le fondateur, et les procédés nouveaux qu’il avait découverts et éprouvés lui-même.

Les fouilles de M. Mariette ont été le fruit de deux missions distinctes. La première est comprise entre le mois de septembre 1850 et le mois d’octobre 1854 ; le gouvernement français en a fait les frais : la seconde, commencée en novembre 1858, dure encore; elle a été entreprise et se poursuit aux frais du gouvernement égyptien. La première a procuré la découverte du Sérapéum de Memphis et les sept mille monumens qui sont au Louvre; la seconde a ouvert trente-cinq chantiers, a eu pour résultat la fondation du musée de Boulaq et la découverte des vingt-deux mille monumens qui y sont catalogués et classés aujourd’hui. L’une et l’autre mission ont en outre fourni la matière d’importantes publications, en quelque sorte parallèles aux fouilles elles-mêmes, et que nous examinerons dans l’ordre chronologique où elles se sont produites. Nous avons visité tous les chantiers de M. Mariette et passé un hiver en Égypte à parcourir avec lui la vallée du Nil, nous avons lu en entier ses ouvrages, manuscrits ou imprimés; notre prétention se borne quant à présent au rôle de narrateur exposant ce qu’il a vu, de lecteur se rappelant ce qu’il a lu.


I.

Malgré ses heureuses facultés et sa précoce intelligence, M. Auguste Mariette, né à Boulogne-sur-Mer le 11 février 1821, eut les débuts les plus pénibles et fut de bonne heure aux prises avec les difficultés de la vie. Sans fortune et sans appui, dès l’âge de dix-huit ans, il fut contraint de se faire maître de dessin en Angleterre, puis régent de septième dans le petit collège communal de sa ville natale. Dévoré de la soif ardente de s’instruire, il consacrait à l’étude ses rares instans de loisir dans la bibliothèque, située près du collège. Un cercueil de momie, que l’on peut voir encore aujourd’hui sous les vitrines de la troisième salle du musée de Boulogne, attirait surtout ses regards curieux. Il résolut de déchiffrer les textes qui y étaient figurés, et il réussit à se procurer les livres de Champollion . Sans guide, sans maître et sans encouragemens d’aucune sorte, il parvint à comprendre les hiéroglyphes peints sur la boîte de sa momie et ne tarda pas à se rendre maître du système de déchiffrement des écritures égyptiennes ; il étudia à fond la langue