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dans quatre chambres d’Apis, cette partie du souterrain fut abandonnée. Une nouvelle galerie fut inaugurée l’an 53 du règne de ce prince. La splendeur des tombes de la dernière période, qui commence à cette date, contraste avec la simplicité et la négligence qui président aux anciennes. Les sarcophages sont à peu près de la même grandeur ; ils sont toujours en granit et monolithes, et l’on demeure étonné, quand on en considère les dimensions (plus de 3 mètres de haut sur 4 de long), des difficultés inouies qu’il a fallu surmonter pour les transporter de la carrière à cette hauteur dans le désert et à cette profondeur dans le souterrain.

Le 11 février 1852, une nouvelle lettre du consul-général de France transmettait à M. Mariette l’autorisation de reprendre ses travaux, — qui n’avaient jamais cessé, — lui enjoignant en outre de procéder à l’emballage des cinq cent treize monumens, qui étaient déjà au Louvre ou sur la route. Il demeurait bien entendu d’ailleurs qu’à part ces monumens concédés à la France tous ceux qui proviendraient des fouilles à l’avenir appartiendraient au gouvernement égyptien : c’était la part de l’Angleterre. Notre compatriote, qui naturellement ne pouvait entrer dans les vues politiques d’Abbas-Pacha, ne songeait qu’à sauver le produit de ses fouilles ; payées par la France, elles ne devaient profiter qu’à la France. On comprendra combien il importait, à ce moment-là surtout, de n’en laisser rien distraire, lorsqu’on saura que, dans une des tombes isolées, il venait de s’apercevoir que le mur masquant la chambre funéraire était intact. Le son creux l’avertit que l’espace était libre derrière ce mur ; l’ayant fait abattre, il pénétra dans une tombe divine vierge de toute spoliation et inviolée. Tous les objets y étaient à la place où les avaient laissés, trois mille ans auparavant, les prêtres d’Apis après les dernières cérémonies accomplies. Il ne put contenir son émotion, et des pleurs s’échappèrent de ses yeux, qui portaient encore les glorieuses cicatrices des blessures reçues au service de la science et de son pays.

Le bruit ne tarda pas à se répandre que « l’homme du désert » trouvait de l’or. L’effet en fut si prompt que, peu de jours après, il dut se munir de fusils et de revolvers. Il fut attaqué par les Bédouins, et, retranché dans sa petite maison avec son fidèle Bonnefoi, il y soutint un assaut en règle, essuya un feu de mousqueterie assez nourri et contraignit enfin les agresseurs à lever le siège. Comme il n’avait jamais laissé échapper la moindre occasion de se faire craindre et respecter, il inspirait aux Orientaux une estime singulière, et lorsqu’il s’agit d’user de l’autorisation officielle d’expédier ses cinq cent treize monumens, on lui envoya un effendi, le plus courtois qui se pût trouver, afin de remplir la pénible mission de veiller à l’emballage. M. Mariette lui persuada d’abord que ce qui