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moyenne à Paris a été de 59,293 enfans par année, y compris 4,408 mort-nés, ce qui donne le chiffre minimum de 324 naissances par 10,000 habitans. Les bulletins statistiques de 1872 accusent une nouvelle diminution : le total des naissances a été de 56,894, ce qui réduit la proportion à 316 pour 10,000. — 41,478 enfans légitimes et 15,416 enfans naturels ont été inscrits sur les registres de l’état civil. Un détail prouvera que l’inconduite et la misère s’engendrent mutuellement : 5,805 naissances ont été constatées hors du domicile, c’est-à-dire dans les prisons, les hôpitaux et les hospices; 1,172 de ces pauvres petits, nés sur les grabats hospitaliers ou pénitentiaires, étaient issus d’unions régulières, 4,633 étaient le fruit de la débauche; parmi ceux-ci, combien ont été reconnus et ont pu porter le nom de leur père? Quatre. Les deux mois qui produisent le plus de naissances sont mars (5,065), qui correspond aux jours d’été, aux sollicitations de la nature, aux longues promenades du dimanche dans les bois voisins de Paris, et juillet (5,259), qui, se rapportant à novembre, rappelle qu’à ce moment tous les gens qui ont passé l’été à la campagne, maîtres et domestiques, rentrent ordinairement à la ville. Le Xe et le XIe arrondissement sont les plus féconds, et fournissent l’un 5,694, l’autre 5,596; le plus stérile est le XVIe, qui ne compte que 984. La natalité urbaine est bien peu élevée, comme on vient de le voir; mais elle tombe au-dessous de toute moyenne lorsque des causes extérieures lui font obstacle et troublent la vie organique de Paris : en 1871, les naissances ont diminué dans des proportions doublement douloureuses, car, pendant que la mort frappait sur la cité, les lois de l’existence y semblaient suspendues, — 37,410 pour l’année tout entière! Là l’influence des événemens se dénonce par des chiffres et se passe de tout commentaire. Le mois de mai 1870 trouve le pays calme et en prospérité, janvier 1871 nous apporte 5,378 nouveau-nés. Au mois de juillet 1870, un vent de folie passe sur toutes les têtes; à propos d’un incident grave, mais dont les conséquences pouvaient être conjurées, on saisit la passion publique avant même d’essayer des ressources multiples de la diplomatie : la guerre éclate en pleine paix, les esprits s’inquiètent, tous les cœurs sont écrasés par l’angoisse d’une telle aventure; mars 1871 ne nous donne déjà plus qu’un contingent de 3,606 naissances. Nos premières rencontres avec l’Allemagne ne laissent aucun doute sur le sort misérable qui nous attend, c’est l’invasion qui entre en France; le désespoir du mois d’août se lit dans les tables d’avril 1871, qui descendent à 3,299. Au milieu de septembre, la ville est fermée, la vie devient difficile; au fur et à mesure que les jours passeront, les forces de la population iront s’affaiblissant; on dirait que les pauvres petits êtres se refusent à venir dans ce monde fait de perturbation et de violence. Octobre