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sérieux, que la science a effleurée plusieurs fois, mais qu’elle n’a point définitivement résolue. Selon quelques savans, les mariages consanguins constituent un véritable péril pour la race, qu’ils abâtardissent et détruisent avec certitude. Le produit qui en résulte se distribue entre les sourds-muets, les aveugles-nés, les épileptiques, les idiots, les imbéciles et ces demi-monstres qui offrent des conformations singulières telles que l’hydrocéphalie ou la polydactylie ; si les malheureux issus de ces mariages échappent aux terribles infirmités dont on les menace, ils sont faibles, étiolés, d’une intelligence douteuse, et arrivent souvent à une incohérence de pensées qui ressemble bien à l’aliénation mentale. Tous ces faits sont très vrais, et des observations approfondies les affirment; mais sont-ils le résultat exclusif des mariages consanguins, ou sont-ils la preuve que les ascendans, atteints eux-mêmes aux sources essentielles de la vie, appauvris par une constitution défectueuse, n’ont pu léguer à leurs enfans qu’une des formes multiples de la débilité congénitale? C’est ce que nul physiologiste n’a su nous dire. Tant que la science n’aura pas prononcé un verdict positif, il sera bon d’écouter les prescriptions de l’église, qui sont très sages, très prudentes, et que l’expérience générale semble confirmer.

Si la loi est restrictive à propos de certains degrés de consanguinité, elle est muette dans les cas pathologiques où le mariage est un danger manifeste que la moindre prévoyance suffirait à conjurer. M. le docteur Trélat, dans son livre sur la Folie lucide, demande que le pouvoir législatif intervienne pour empêcher les unions avec les familles atteintes de certaines affections nerveuses et mentales. Il y a là en effet un péril grave qui mériterait qu’on s’en préoccupât; mais comment résoudre ces difficultés, et sur quelles données établir une règle pour des matières si délicates? La ruse et l’intérêt détourneraient bien vite toutes précautions, car il n’y a pas de fait humain qui engendre plus de fraudes, plus de mensonges que le mariage. Des gens fort scrupuleux pour tout le reste n’hésiteront pas à marier une fille scrofuleuse qu’on accouplera peut-être avec un fils ruiné et couvert de dettes. Les mères, qui considèrent le célibat comme une honte pour leurs filles, ne reculent devant rien pour leur trouver un mari : faux renseignemens sur la fortune, sur la santé, sur la filiation, sur ce que l’hypocrite langage du monde appelle des espérances, fausses appréciations des mœurs, du caractère, rien n’est oublié, tout est mis en œuvre pour parvenir à un mariage qui sera malheureux et d’où sortiront des avortons rachitiques. Les seules considérations dont on tienne compte sont d’un ordre médiocre; l’union entre deux êtres également jeunes, sains, intelligens, est un spectacle assez rare à Paris; c’est peut-être à cela