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passer à Mirecourt, l’un et l’autre tendaient vers Chaumont, de sorte que pour échapper à un danger qu’on s’exagérait, qui n’était pas encore sérieux le 10, on élargissait l’espace qui séparait les divisions en retraite de l’armée française de Lorraine, et on laissait la route de Nancy absolument ouverte. Ce n’est pas tout : le contre-coup de ces événemens s’était fait sentir aussitôt jusque dans la Haute-Alsace, où, sur de faux bruits, sans avoir vu l’ennemi, une division du 7e corps, qui s’était avancée jusqu’à Mulhouse, se repliait dans le plus grand désordre, semant la panique sur son passage, offrant le spectacle d’une troupe que les chefs avaient de la peine à rallier et à contenir. C’était là le résultat de la malheureuse affaire de Frœschviller. L’Alsace était perdue d’un seul coup, les Vosges étaient abandonnées, la ligne de la Moselle, de Toul à Pont-à-Mousson, restait sans défense. L’aile droite de ce qu’on avait appelé l’armée du Rhin, de ce qui devait être l’armée d’invasion en Allemagne, n’existait plus, ou du moins elle n’existait que comme une force errante, à moitié débandée, bien démoralisée ; elle se trouvait pour l’instant rejetée, par un mouvement de retraite nécessaire sans doute, mais précipité et confus, jusque dans la direction de la Haute-Marne, vers le chemin de fer de Chaumont à Châlons, par Saint-Dizier et Blesme.

La situation n’était pas moins grave sur la Sarre. L’affaire de Spicheren, sans avoir les mêmes proportions et des résultats aussi soudains que la bataille de Frœschviller, livrait l’entrée de la Lorraine et le versant occidental des Vosges. Forcé dans ses positions en avant de Forbach, menacé de tous côtés par des masses croissantes vers la fin du jour, le général Frossard n’avait plus qu’à se mettre en sûreté, dès qu’il n’était pas secouru par les divisions du corps de Bazaine. Que ces divisions, dont l’arrivée aurait pu tout changer, eussent manqué à l’heure décisive sur le champ de bataille, c’était assurément un malheur, c’était de plus une faute, une suite évidente d’ordres mal donnés et mal compris ; mais enfin ces divisions ne devaient pas être loin, elles avaient été prévenues, elles avaient dû marcher au canon et se rapprocher de Forbach. On ne risquait rien à se replier dans la direction où elles devaient être, à rejoindre cette force intacte avec laquelle on pouvait s’appuyer aux belles positions de Calenbronn indiquées comme un point de concentration