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le 14, le Xe corps avait pu franchir la Moselle à Pont-à-Mousson, précédé par la division de cavalerie Rheinbaben. Le IVe corps passait plus loin. De leur côté, les IIIe, IXe, XIIe corps et la cavalerie du duc de Mecklenbourg se rapprochaient de la Moselle entre Pont-à-Mousson et Metz, en face des positions que nous allions prendre sur la rive gauche. Le 15, la cavalerie de Rheinbaben s’était avancée sur la route de Verdun, poussant les brigades Bredow et de Redern jusqu’aux approches de Mars-la-Tour, et avait pu s’assurer que l’armée française n’était pas passée. Aussitôt on avait redoublé d’activité, pressant la marche du Xe corps par Thiaucourt, portant le IIIe corps et la cavalerie de Mecklenbourg sur la rive gauche de la Moselle par le pont de Novéant, qu’une négligence de notre état-major avait laissé intact ; d’un autre côté, on hâtait l’arrivée des autres parties de la IIe armée, et même on rapprochait de la Moselle le VIIe et le VIIIe corps de la Ire armée, qui ne laissait plus que le corps de Manteuffel devant Metz, sur le champ de bataille de la veille. Tout cela s’était fait le 15, de sorte que, le 16 au matin, les Allemands se trouvaient déjà sur la rive gauche de la Moselle, disposant de deux corps complets et de deux grosses divisions de cavalerie, se sachant suivis de forces nombreuses et de plus ayant, par Novéant et le vallon de Gorze, un accès vers nos positions. Ils avaient l’audace du succès, ils se sentaient assurés d’être secourus, et ils attaquaient. Le feu, qui avait éclaté tout à coup sur les hauteurs de Tronville, en face de Mars-la-Tour, et devant lequel avait dû se replier la cavalerie de Forton et de Valabregue, n’était que le prélude de la grande bataille.


V

A neuf heures du matin, l’attaque se dessinait violemment sur le 2e et le 6e corps. Le général Frossard, à qui on avait pris la division Laveaucoupet pour la laisser à Metz, n’avait plus que les divisions Bataille et Vergé, et la brigade Lapasset, avec lesquelles il occupait la gauche de Rezonville. Au premier bruit du canon, qui étonnait un peu les troupes du 2e corps sans les ébranler, la division Bataille se portait en avant entre Vionville et Flavigny ; elle était appuyée par la division Vergé, qui en se repliant sur la gauche se rejoignait à la brigade Lapasset, chargée de faire face au bois de Saint-Arnould et au vallon de Gorze, par où pouvait déboucher l’ennemi. L’attaque venait en effet des deux côtés par Vionville et par Saint-Arnould. Elle était soutenue par l’infanterie du IIIe corps prussien et par une puissante artillerie, qui se multipliait devant nous. Pendant quelques heures, on se battait énergiquement, souffrant beaucoup sans reculer néanmoins. Bientôt la position devenait