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seize fils vivans. Quelques-uns d’entre eux étaient alors trop jeunes pour réclamer quoi que ce soit, quelques autres bornaient leur ambition au gouvernement d’une province ; cinq seulement prétendaient hériter de l’autorité entière de leur père. Cinq ans auparavant, l’émir avait désigné lui-même l’un d’eux, Shire-Ali, pour son successeur, et cette décision, notifiée au vice-roi de l’Inde britannique, lord Canning, avait été acceptée sans nulle observation. Shire-Ali n’était cependant qu’au troisième rang par ordre de primogéniture. La préférence que Dost-Mohamed lui témoignait tenait, dit-on, à cette circonstance, que sa mère était de meilleure naissance que la mère des deux aînés. Il avait accompagné son père à Hérat; dès que celui-ci eut succombé, l’héritier présomptif reçut les hommages de ses frères et de l’armée. On put croire d’abord que la transmission du pouvoir s’opérerait sans troubles. Le nouveau souverain était au surplus un homme intelligent, brave, habile; un caractère violent était son plus grave défaut. Les deux aînés, Afzul-Khan et Azim-Khan, étaient aussi de bons généraux, influens dans les provinces soumises à leur autorité. Afzul s’était retiré dans le pays au-delà de l’Hindou-Kouch, dont il était vice-roi depuis déjà longtemps. On apprit bientôt qu’il s’y préparait à la guerre, et en effet Shire-Ali, s’étant avancé avec ses troupes, rencontra l’armée ennemie au sortir des défilés des montagnes. Cependant les deux frères se réconcilièrent ; puis, on ne sait trop pour quel motif, une nouvelle brouille survint, si bien qu’Afzul-Khan, fait prisonnier, fut ramené dans la forteresse de Caboul, le Bala-Hissar, avec des fers aux pieds et aux mains; ceci se passait à l’automne de 1864. L’hiver est si rude en cette région que les opérations militaires sont interrompues; comment faire la guerre lorsque le sol est recouvert de neige et que les sentiers deviennent impraticables? Au printemps de 1865, l’insurrection éclata de tous côtés. Amin-Khan, l’un des frères utérins de Shire-Ali, se révolta dans Candahar; Azim, qui s’était d’abord réfugié dans le Pendjab, revint prendre la direction des tribus qui lui étaient dévouées; Abdoulrahman, fils d’Afzul, alla chercher des secours auprès du roi de Bokhara. Tous ces princes coalisés avaient d’ailleurs des partisans dans l’armée, et jusque dans le palais du souverain légitime. Les Afghans aiment la guerre, ils se battent volontiers; seulement ils n’aiment pas à être battus : aussi s’empressent-ils de passer dans le camp opposé dès que la mauvaise fortune atteint la cause qu’ils ont d’abord épousée. Après diverses alternatives de revers et de succès, les confédérés entrèrent à Caboul en février 1866; Afzul-Khan fut proclamé émir de l’Afghanistan, sous le protectorat de son frère Azim et de son fils Abdoulrahman. Shire-Ali restait maître de Candahar et de Hérat, qui lui fournissaient des