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grande dame. Dans ce costume, décent jusqu’à l’austérité, ne découvrant que la main gauche, tandis que le bras droit se relève sous les plis et doucement sert de support au cou, — l’œil scrupuleux d’Auguste ne trouverait pas un défaut à reprendre.

On sait quel juge morose était César et combien il avait la remontrance aisée en ces questions d’attitude et de toilette. Trop de luxe, de familiarité l’indisposait; il ne permettait pas à sa fille de paraître vêtue librement. Un jour, au théâtre, pendant un combat de gladiateurs auquel assistait la famille impériale, il constata, non sans mauvaise humeur, la différence très marquée d’impression que produisirent sur l’assemblée l’apparition de Livie et celle de Julie. L’une arrivait accompagnée d’un conseil d’hommes graves et déjà mûrs, tandis qu’autour de l’autre avait pris place une députation de la plus frivole jeunesse. Julie, à peine rentrée, eut sa semonce sous forme d’un de ces billets que son père aimait à décocher, et, comme elle avait l’esprit de famille et n’était point une personne à se déconcerter jamais, elle riposta sur-le-champ : « Patience pour mes jeunes gens, et ne me les reprochez pas tant, car eux aussi vieilliront avec moi ! » Auguste sourit et continua son métier d’épilogueur débonnaire. Au fond, il l’adorait et refusait de croire à son inconduite; tout au plus admettait-il ce que nous appellerions des inconséquences. Une autre fois il la surprit se faisant enlever quelques rares cheveux blancs poussés bien avant la saison sur cette jolie tête. La cueillette allait son train, lorsque l’arrivée soudaine de césar dérangea tout; les femmes n’eurent que le temps de s’échapper, emportant ou croyant emporter le secret de l’opération; néanmoins il resta des traces, deux ou trois cheveux égarés. L’empereur les remarqua, se mit à causer de choses diverses, et, sans en avoir l’air, amena la conversation sur l’âge de Julie. « Et penser, lui dit-il, que dans quelques années tu vas commencer à vieillir. Qu’aimeras-tu mieux alors, des cheveux blancs ou de la calvitie? — Moi, cher père, mais il me semble que je préférerais encore des cheveux blancs! — Oh! la fourbe! reprit Auguste. S’il en est ainsi, pourquoi souffres-tu que tes femmes déjà commencent à te rendre chauve ! » Je me la représente devant l’autel de sa toilette, environnée de tout le personnel, de tout le cérémonial du culte. Assise sur le siège d’or, — tandis que des servantes empressées passent aux doigts de ses pieds les anneaux de pierreries ou baignent de senteur les draperies de sa tunique, — elle jase et badine, et sa bouche fraîchement teintée de carmin ébauche un sourire à l’esclave qui lui tend le miroir. L’esclave au miroir est de toutes les filles du service la plus rapprochée de sa maîtresse. On la veut jeune, belle, et surtout irréprochablement saine de corps, chose rare à trouver au milieu de la corruption des mœurs romaines. La