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ou trois canonniers de profession par vaisseau, mais tous les matelots étaient régulièrement exercés deux fois par semaine à la manœuvre du canon. Le service de l’artillerie était ainsi, sur la flotte britannique, le dernier qui pût courir le risque de rester en souffrance.

Tels étaient le degré d’organisation, le développement de puissance, auxquels étaient parvenues les deux marines rivales d’Angleterre et de Hollande quand Louis XIV entreprit de faire jouer un rôle maritime à la France.


II.

Si l’on veut retrouver les origines de notre établissement naval, ce n’est pas à Colbert, c’est jusqu’à Richelieu qu’il faudra remonter. Henri IV, en mourant, avait laissé 41 millions de francs dans les coffres de l’état, pour plus de 12 millions d’armes et de munitions dans les arsenaux. La prospérité de la France disparut avec lui. Richelieu rétablit l’ordre dans les finances après l’avoir ramené dans les esprits ; en quelques années, il éleva le chiffre des revenus de 23 millions à 80 millions. Les charges léguées par un passé désastreux exigeaient un prélèvement annuel de 46 millions; les dépenses du département de la guerre en absorbaient à peu près 18; il en fallait réserver 4 ou 5 pour la maison du roi, pour celle de la reine et des princes, autant pour les pensions. Ce fut donc le signe d’une politique toute nouvelle que d’attribuer 2 millions 1/2 aux dépenses de la marine, quand on ne consacrait que 300,000 livres à l’entretien et à l’agrandissement des bâtimens royaux. On a cherché à établir par des calculs plus ou moins ingénieux la valeur de l’argent à diverses époques de notre histoire. Le prix du pain et des autres denrées s’est accru de 1 à 6 dans l’espace de trois siècles. Les 80 millions perçus par Richelieu représenteraient donc de 400 à 500 millions de notre monnaie ; mais la valeur absolue des fonds consacrés par ce grand ministre à l’entretien de la marine française n’est pas ce qui importe; ce qui mérite surtout d’être constaté, c’est la part considérable qu’il voulut faire à ce grand intérêt. Il lui réserva d’abord le dixième et plus tard le cinquième des revenus disponibles.

Au début du XVIIe siècle, les notions du droit des gens étaient encore fort confuses. On pillait, on rançonnait sans merci et sans scrupule tout bâtiment qui n’était pas couvert d’un pavillon puissant et respecté. Les pirates barbaresques désolaient la Méditerranée; ceux de Salé et de Larache osaient se lancer en plein Océan. N’ayant point de flotte de guerre qui pût protéger notre navigation marchande, nous nous résignions à rester tributaires du commerce