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au pouvoir pour sept ans, il y restera sept ans avec les lois constitutionnelles qu’on lui a promises et qu’on lui doit. C’est l’intérêt des partis d’obscurcir cette pensée, c’est l’intérêt du gouvernement de dissiper toutes les obscurités, de préciser ses intentions et sa politique. Le gouvernement semble bien être le premier à le sentir. Il a peut-être fort à faire de se débrouiller lui-même au milieu des influences qui l’environnent et le serrent de près. Le ministère se croit visiblement obligé de mesurer, de calculer son langage, surtout quand il est devant l’assemblée. Il emploie les circonlocutions, les détours et les nuances habiles. Il avance cependant pas à pas ; ce qu’il hésite quelquefois à dire devant l’assemblée, il le dit ailleurs, et, chose à remarquer dans ce travail compliqué qui n’est pas un des phénomènes les moins curieux du moment, à mesure que les déclarations se renouvellent et se multiplient, elles vont en s’accentuant. Ce septennat ressemble un peu à une œuvre mystérieuse qui ne se dévoile que par degrés, mais qui, au bout du compte, finit par se découvrir tout entière.

Déjà l’autre mois, dans une visite au tribunal de commerce de Paris, M. le président de la république n’avait point hésité à parler de façon à calmer les inquiétudes, à encourager le travail par la perspective d’une sécurité durable, en déclarant que pendant sept années il saurait « faire respecter de tous l’ordre de choses légalement établi. » Depuis, à l’occasion de l’interpellation de M. Challemel-Lacour sur la loi des maires ou plutôt sur la politique générale, M. le président du conseil, avec bien des ménagemens il est vrai, avec bien de la réserve, a de nouveau affirmé le septennat, qu’il a placé au-dessus de toute contestation, qu’il a caractérisé d’un mot en l’appelant « incommutable. » Qu’avait donc d’extraordinaire une telle déclaration pour qu’un jeune champion de la légitimité, M. Cazenove de Pradines, se crût autorisé à venir faire des réserves en faveur de la monarchie, et même à laisser entendre qu’au besoin on comptait sur le désintéressement, sur la démission spontanée de M. le président de la république ? L’intervention de M. Cazenove de Pradines n’a eu d’autre effet que de provoquer une lettre de M. le maréchal de Mac-Mahon lui-même confirmant de sa parole l’interprétation du septennat telle que l’avait donnée M. le duc de Broglie et rappelant sa propre déclaration au tribunal de commerce de Paris. Peu après, le ministre de l’instruction publique, présidant la distribution des prix de l’association polytechnique, est allé plus loin encore dans un discours aussi brillant que sensé. M. de Fourtou n’a pas craint de dire nettement les choses, d’avouer tout haut le « droit irrévocable » du gouvernement, son intention de ne point laisser affaiblir son autorité, de la « fortifier au contraire par une organisation loyalement promise, » et il a même ajouté : « Le gouvernement du maréchal, quels que soient ses conseillers, protégera, soyez-en sûrs, pendant sept ans, de sa fermeté et de sa prudence le développement des affaires publi-